Alternance - Les étudiants peinent à trouver une entreprise pour la rentrée

A la veille de la rentrée, nombre de jeunes Franciliens n’ont toujours pas trouvé d’entreprise prête à les accueillir une année en formation par alternance.

Alternance - Les étudiants peinent à trouver une entreprise pour la rentrée

    Alors que l’Etat pousse les jeunes, du CAP au bac + 5, vers la voie de l’apprentissage et de la professionnalisation, les élèves prêts à franchir le pas galèrent pour décrocher un contrat avec une entreprise. Un sésame pourtant indispensable pour commencer sa formation.

    L’an dernier, 627000 contrats d’apprentissage et de professionnalisation ont été signés en France, dont 105000 en Ile-de-France où leur nombre a plus fortement augmenté qu’au plan national. Et l’objectif est de passer à 800000 d’ici à 2015.

    Le but de ce dispositif est de lutter contre le chômage des jeunes en les orientant vers des secteurs et des métiers qui recrutent. En apprentissage, par exemple, 69% des Franciliens sortis de formation en 2011 ont trouvé un emploi. Et près d'un sur deux dans l'entreprise qui lui avait signé son contrat d'apprentissage.

    Encore faut-il avoir trouvé le patron prêt à donner sa chance au candidat. Et les places sont chères! Car, en Ile-de-France, les petites structures sont celles qui jouent le plus le jeu. 90% des entreprises d'accueil en alternance ont moins de 10 salariés.

    En Seine-et-Marne, la maison de l’emploi (MDE) du Nord-Est, à Meaux, a décidé de venir en aide aux jeunes sans solution pour la rentrée. Elle a envoyé les CV de candidats à l’alternance aux associations de chefs d’entreprise du secteur. Avec l’espoir, à la clé, que ces cinq jeunes motivés, comme Alicia (lire encadré), présentables et dotés de « tous les prérequis » souhaités par les patrons, puissent s’engager dans la formation de leur choix. « Nous cherchons à réduire les ruptures de contrat, nombreuses dans les trois mois qui suivent l’inscription », explique Laurent Kourilsky, directeur de la MDE.

    Un jeune sur deux reçus par Carine Olivier, conseillère dédiée, abandonne avant de s’inscrire : « Je les coache, je les aide à présenter un projet viable, à bien connaître le métier. Je leur apprends à avoir une tenue correcte, un comportement adapté à l’entreprise, comme ne pas claquer la porte à la première remarque du patron. »

    La conseillère enlève les œillères des filles figées sur les filières esthétique et secrétariat, ultrabouchées, et montre aux garçons l’existence d’autres métiers que ceux du bâtiment. La MDE a ainsi inscrit quatre jeunes dans un CFA parisien des métiers du verre en quête de main-d’œuvre.

    Mylène Lefèvre, responsable des relations entreprises et emploi, sensibilise les 400 patrons du secteur pour qu’ils deviennent tuteurs d’un jeune en alternance. Parmi ses fidèles partenaires, les Halles d’Auchan, à Meaux. L’hypermarché alimentaire prend trois ou quatre personnes de niveau BTS en alternance par an sur une centaine de demandes. « On choisit le candidat comme une embauche de personnel. La motivation est essentielle, tout comme la vision du jeune sur son futur métier, explique le directeur, Nicolas Creusot. Il doit connaître les exigences et les inconvénients du métier et avoir envie d’évoluer. » Pour lui, pas de doute, prendre un jeune en alternance « est une bonne garantie de recruter du personnel fiable à moyen terme ».

    Valentine Rousseau

    « J’ai envoyé plus de 1000 CV »

    AÏSSATA KANE - 21 ans, cherche à valider sa licence professionnelle communication

    «A force c’est épuisant car on espère toujours », souffle Aïssata Kane dont l’inquiétude monte à quelques jours de la rentrée scolaire. Titulaire d’un DUT en techniques de commercialisation, cette étudiante en alternance de 21 ans domiciliée à Saint-Ouen-l’Aumône cherche depuis plusieurs mois, sans succès, une entreprise pour valider sa licence professionnelle communication.

    « J’ai envoyé des curriculums tout au long de l’année, mais, depuis juin, c’est tous les soirs, explique la jeune femme. Au total, j’ai dû en adresser plus de 1000. »

    Et le bilan a de quoi être quelque peu décourageant : quatre entretiens téléphoniques et un seul entretien en face à face dont elle attend désormais la réponse. « On me répond pourtant que ma candidature est intéressante mais qu’ils n’ont pas de poste qui me conviendrait, précise Aïssata. Souvent ce sont des entreprises qui ne recrutent plus depuis plusieurs mois, ni étudiant ni salarié. » Motivée, cette Varoise d’origine a choisi l’alternance afin d’accumuler niveau d’étude et expérience professionnelle. « Je voulais éviter que les employeurs me répondent ce qu’ils ont reproché à nombre de mes amis qui sortent de la faculté avec un bac + 5 : le manque d’expérience », justifie-t-elle. Mais si Aïssata ne trouve pas très vite ce qui apparaît être le saint Graal, ses options se réduiront. « Soit je devrais suivre la formation initiale payante de mon école privée à Paris, soit je devrais changer d’orientation », regrette la jeune femme.

    « J’ai dû aller démarcher une centaine d’entreprises »

    FLORIAN FIDUCIA - de Mennecy, étudiant en BTS négociation et relation clients

    C’est ce qu’on appelle un parcours du combattant. Pour trouver un employeur acceptant de l’embaucher en alternance à la rentrée, Florian Fiducia, 18 ans, a dû lutter pendant près de cinq mois. Souhaitant s’inscrire en BTS négociation et relation clients après son bac pro vente, le jeune habitant de Mennecy a commencé à contacter des professionnels dès le mois de février. « Ça a été très difficile. J’ai dû aller démarcher une centaine d’entreprises pour leur proposer ma candidature, explique le futur étudiant de la Faculté des métiers de l’Essonne. Le problème, c’est que je n’avais pas souvent affaire aux directeurs, et je pense que pas mal de mes CV ont fini à la poubelle… »

    Pour les autres, toujours les mêmes réponses : pas besoin de personnel, ou coût trop important pour l’entreprise. Au final, Florian Fiducia est parvenu à obtenir quatre entretiens, dont un chez son futur employeur, un grossiste en figurines pour enfants. Conscient du chemin qu’il a fallu pour en arriver là, il peut aujourd’hui souffler un peu. « J’ai eu la chance de pouvoir bénéficier des contacts de la Faculté des métiers, mais ça m’a quand même pas mal stressé, reconnaît-il. Surtout que je préparais mon baccalauréat en même temps et que je passais aussi le permis de conduire à cette époque. »

    « Certains étudiants sont trop scolaires »

    THIERRY TARDY l directeur d’hôtel à Serris (Seine-et-Marne)

    Sur la cinquantaine d'employés de l'hôtel Elysée, un trois-étoiles situé à Serris (Seine-et-Marne), quatre sont des apprentis. « Nous allons les recruter nous-mêmes, au moment des journées portes ouvertes organisées par leurs écoles, explique Thierry Tardy, le directeur général de cet établissement. Il y a aussi quelques candidatures spontanées, qui représentent environ 20% de nos embauches. » Les places sont chères puisque, sur une quarantaine d'entretiens, seuls un ou deux candidats sont sélectionnés lors de chaque session. « Mais, dans l'hôtellerie, si on a vraiment l'envie, il est possible de trouver un contrat en alternance », tempère le patron.

    Il reconnaît que le concept est financièrement intéressant pour lui : « Grosso modo, quatre apprentis reviennent au coût de deux personnes en contrat à durée indéterminée (CDI), même s’il faut aussi voir qu’ils doivent partager leur emploi du temps entre nous et leur école, détaille-t-il. Mais, de toute façon, l’intérêt principal de ce type de contrat, c’est de bien former les jeunes et donc, notre propre relève. »

    Pour autant, l’homme estime qu’embaucher un apprenti n’est pas sans risque pour le chef d’entreprise. « Cela demande un investissement énorme en termes de relations humaines, assure-t-il. Et le principal problème, c’est que certains étudiants sont trop scolaires et ne mesurent pas forcément l’implication et le professionnalisme nécessaires dans une entreprise, surtout quand on est au contact d’une clientèle exigeante. »

    C’est sans doute pour cette raison que certains de ses collègues « rechignent à embaucher des apprentis, trop déçus par leurs expériences passées ».

    A la Fac des métiers, encore près de 800 jeunes à « caser »

    Environ 2800 dossiers déposés et autant de contrats en alternance à décrocher. A l’approche de la rentrée, la Faculté des métiers de l’Essonne, plus grand centre de formation d’apprentis (CFA) du département, s’active à « caser » tous ses futurs élèves dans des entreprises.

    « A l’heure actuelle, nous avons déjà placé un peu plus de 2000 jeunes, affirme Max Peuvrier, le président de la Faculté des métiers. Mais nous espérons bien trouver un patron à tous les élèves au cours des prochaines semaines. »

    Et s’il se montre confiant, c’est que l’alternance commence à séduire les employeurs du coin. « Disons que c’est assez mitigé, précise Max Peuvrier. On ne peut pas parler d’une réelle évolution, mais ici, on a la chance d’avoir de grosses entreprises qui nous demandent beaucoup de jeunes. Ce sont elles qui viennent à nous, et elles vont prendre plus d’une vingtaine de contrats d’un coup. »

    Les élèves sont accompagnés dans leur recherche

    Encourageant, donc, mais pas encore suffisant. Car sur les 68 formations que propose l’établissement, toutes ne sont pas logées à la même enseigne. « C’est sûr que le résultat dépend énormément du secteur et de ce que le jeune recherche, nuance le président du CFA. On a par exemple une élève qui cherchait une alternance dans la pâtisserie, un univers très masculin. Elle a dû se déplacer avec son père dans 41 pâtisseries différentes avant de finalement trouver un employeur qui la prenne. »

    Mais si les élèves n’ont toujours rien à la rentrée, la Faculté des métiers ne va pas les abandonner pour autant. « Grâce à notre système de passerelle, le pôle d’accès à l’alternance, on commence déjà à les former, tout en continuant les démarches pour trouver une entreprise. »

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    Article paru le 31 août 2012 au sein du Parisien / Aujourd'hui en France

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