Pourquoi les entreprises misent sur l'alternance

Décryptage sur l’intérêt croissant des entreprises pour les alternants de l’enseignement supérieur. Certaines entreprises organisent même des opérations “séduction” innovantes. Comment expliquer un tel engouement ?

Pourquoi les entreprises misent sur l'alternance

    Chaque année, grands groupes et PME accueillent des centaines de milliers de jeunes en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation. Certaines entreprises organisent même des opérations “séduction” innovantes. Comment expliquer un tel engouement ? Décryptage d’une tendance qui n’est pas près de s’essoufler.

    Le 7 avril dernier, la Cité internationale universitaire de Paris accueillait la 9e édition du Forum Phénix, destiné aux étudiants de niveau master 2 en lettres, sciences humaines et sciences qui veulent rejoindre le monde de l’entreprise. Ipsos, Sisley et Oney Banque Accord y ont participé pour la première fois, portant ainsi à 13 le nombre d’entreprises partenaires. À la clé, pour les étudiants sélectionnés : l’accès au master Métiers de l’entreprise, une formation diplômante de 350 heures centrée sur l’environnement économique et la vie des organisations, dispensée en alternance par le centre de formation continue de l’université Paris-Sorbonne.

    Pourquoi ces profils universitaires intéressent-ils les entreprises au point d’être intégrés sous statut d’alternant ?

    Pour Bernard Deforge, associé chez PwC et co-fondateur de l’Opération Phénix, « elles recherchent aujourd’hui des profils diversifiés, car leur capacité à innover en dépend. Les équipes les plus créatives sont composées de collaborateurs venant d’horizons variés. »

    Gagner en expérience et en autonomie

    L’Opération Phénix a déjà permis de recruter près de 200 diplômés en CDI. « S’ils ont souvent besoin d’un temps d’adaptation pour appréhender les métiers, les alternants se débrouillent ensuite très bien, justifie Bernard Deforge. Par exemple le groupe bancaire HSBC, partenaire depuis les origines, a recruté une dizaine d’alternants qui connaissent de belles réussites professionnelles ! » Thibault Saguez, nouveau coordinateur de l’opération, a été également l’un des premiers bénéficiaires. Après six ans d’études de philosophie et d’histoire, il a été engagé par PwC comme auditeur – une fonction qui est le coeur de métier du cabinet d’audit, expertise comptable et conseil.

    « La formation dispensée dans le cadre du master reste généraliste, elle fournit davantage de compétences comportementales qu'un réel bagage technique, explique-t-il. En parallèle, la période d'apprentissage en entreprise permet de gagner progressivement en expérience et en autonomie. Identifier, dès les premiers mois dans le cabinet, un collaborateur expérimenté faisant office de

    “parrain” a été primordial : j’ai pu évoquer, en dehors de tout rapport hiérarchique, les difficultés rencontrées, et bénéficier de ses conseils pour les surmonter. » D’autres entreprises déploient leur propre programme pour attirer des alternants – et ainsi répondre à leurs besoins de compétences.

    Des parcours de formation sur mesure

    Un autre grand cabinet de conseil, Deloitte, vient de créer un parcours diplômant conçu avec l’ENGDE (école supérieure de gestion et d’expertise comptable), destiné à des jeunes qui intègrent la société en contrat de professionnalisation de deux ans. Depuis la rentrée 2014, Deloitte accueille ainsi 20 collaborateurs. « Pour renforcer la diversité de nos collaborateurs, nous cherchons à recruter le plus tôt possible dans des filières professionnalisantes, précise Jean-Marc Mickeler, associé et DRH. Notre ambition est de disposer, d’ici quatre ans, d’une centaine de collaborateurs inscrits dans ce parcours. Les meilleurs d’entre eux se verront proposer un CDI. »

    Ces deux exemples illustrent l’intérêt croissant des entreprises pour les alternants de l’enseignement supérieur

    . Le quota de 5 % d’alternants imposé aux entreprises de plus de 250 salariés est un facteur explicatif : celles qui ne sont pas en conformité avec la loi sont soumises à des pénalités financières. Mais ce n’est pas la seule raison, et d’ailleurs les TPE et PME – non concernées par cette obligation – restent très friandes de ces profils : d’après le ministère du travail, 57 % des contrats d’apprentissage (tous niveaux confondus) sont signés par des structures de moins de 10 salariés. Grâce à l’alternance, les entreprises bénéficient de jeunes capables de remplir de nombreuses missions, pour une rémunération inférieure à celle d’un diplômé de fraîche date. C’est aussi un moyen privilégié de repérer des talents qui pourront ensuite être embauchés, à l’image d’une période d’essai de longue durée. « Toutes les entreprises ne sont pas dans une logique de pré-recrutement, nuance Morgan Marietti, fondateur et délégué général de l’ANAF (association nationale des apprentis de France). Dans les PME par exemple, le recours à des alternants peut être la réponse à un besoin à court terme ou à la montée en puissance du business. »

    Au plus près de la réalité des métiers

    Plusieurs secteurs sont particulièrement en pointe pour intégrer des alternants, comme la banque-assurance, l'audit et le conseil, l'informatique et le web, l'énergie, le commerce et la distribution, les services. On peut citer, parmi les gros recruteurs, le Crédit Agricole (3 500 alternants en 2014), la Banque Postale, AKKA Technologie (plus de 250 l'année dernière), GrDF (300 jeunes), Casino, Orange, etc. Du CAP au bac+5, EDF accueille plus de 3 500 alternants par an. Le groupe dispose d'ailleurs de son propre CFA en Île-de-France. C'est également le cas de La Poste, dont le CFA, Formaposte, est "hors les murs" : toutes les formations – dont 10 diplômes d'études supérieures – se déroulent dans des établissements partenaires : d'autres CFA, des universités, des écoles de commerce. 1 300 alternants sont ainsi concernés chaque année.

    La SNCF, dont la branche réseaux intègre 2 300 alternants chaque année, propose de son côté une "alternance pilotée", associant le CFA dans lequel l'étudiant suit ses cours et les centres de formation de l'entreprise. « Cette approche favorise la mise en application concrète, au plus près de la réalité de nos métiers, explique Julienne Cotte, responsable communication. C'est une voie royale vers l'emploi, de nombreuses formations ouvrant à des titres diplômants reconnus par l'État, en adéquation parfaite avec nos métiers. » Une licence professionnelle peut par exemple mener au métier de technicien de la circulation ferroviaire, tandis qu'une formation d'ingénieur BTP ouvre à une fonction de manager de maintenance et travaux. « Sur nos trois métiers – maintenance, circulation, ingénierie –, l'alternance est une réponse à nos besoins de recrutement », précise Julienne Cotte en citant le chiffre de 2 000 postes en CDI chaque année.

    Une logique de pré-recrutement

    Pour de nombreuses entreprises, le fait de recourir à l'alternance répond à un double objectif. Le premier est d'ordre social : en tant qu'actrices d'un territoire, elles veulent contribuer à l'insertion professionnelle des jeunes. Le second relève de la politique de ressources humaines, comme le confirme Laurence Lavanant, responsable campus management et pré-recrutement à la Société Générale : « Nous recrutons 2 000 alternants par an (filiales France comprises), de niveau bac à bac+5. En tant que grande entreprise, nous tenons à contribuer à l'employabilité des jeunes. Mais la formule nous permet aussi de disposer d'un vivier de futurs diplômés formés à notre culture, nos métiers, nos pratiques, que nous pouvons ensuite embaucher sur des postes juniors. Elle ouvre ainsi au renouvellement des compétences, tout en contribuant à diversifier les profils. » Environ un tiers des alternants restent en effet dans l'entreprise. Dans la banque de détail, ce taux de transformation monte même à 43 %.

    « Le fait d’avoir suivi un parcours de formation en alternance, au sein de la Société Générale ou dans une autre entreprise, est valorisé sur le salaire, précise Laurence Lavanant. Il s’agit d’un à trois ans d’expériences professionnelles, il est normal que la rémunération en tienne compte. » Un autre gros recruteur est CGI, une entreprise orientée vers les services en technologies de l’information et de la communication et en gestion des processus d’affaires. Avec une politique d’embauche privilégiant les jeunes diplômés, l’alternance occupe naturellement une place de choix – 150 jeunes chaque année. « Nous avons noué des partenariats avec plus de 100 établissements d’enseignement supérieur, précise Dominique Dervieux, directrice adjointe recrutement et mobilité. Les jeunes alternants ont une vraie valeur ajoutée sur le marché de l’emploi, nous tâchons donc de les garder en leur proposant des missions stimulantes. »

    L’alternance, une voie d’excellence

    CGI est également l’entreprise marraine de la promotion 2016 de Télécom École de Management.« Les liens étroits de l’école de commerce avec Télécom SudParis, qui forme des ingénieurs, nous intéresse tout particulièrement car les jeunes ont une double compétence, technique et managériale, qui correspond bien à nos métiers. » Les missions proposées aux alternants peuvent être très diversifiées, à l’image de Paritel, un opérateur télécom qui a recruté 10 alternants en 2014 sur différents postes : technicien informatique, ingénieur informatique/télécom, gestionnaire RH, chef de produit, chargé de marketing, webdesigner, etc.

    Pour Jean-Philippe Bosnet, le président et fondateur, « les alternants sont les futurs acteurs de l’entreprise, il est logique de les impliquer sur toutes les fonctions. Nous sommes dans une logique gagnant-gagnant : avec leur œil neuf, ils permettent de développer l’entreprise, et de notre côté nous faisons notre possible pour les faire grandir. »

    On le voit, de très nombreuses entreprises plébiscitent l’alternance. Mais l’évangélisation se poursuit dans certains secteurs d’activité, moins matures sur le sujet – notamment dans l’enseignement supérieur.

    La Fédération de la plasturgie et des composites s’est par exemple engagée, en 2014, à recruter 30 % d’apprentis supplémentaires. Les besoins sont réels, tant les axes de développement sont nombreux : imprimantes 3D, textiles et packagings intelligents, automobile du futur, plastiques recyclés, etc. « Il est important de contribuer au changement de culture dans certaines entreprises, qui ont encore une image peu flatteuse de l’alternance, précise Florence Poivey, présidente de la fédération et également présidente de la commission Éducation, formation et insertion du Medef. Le secteur recrute déjà 1 400 apprentis par an, avec un taux de transformation en CDI de 80 %, mais on peut aller plus loin. C’est donc notre responsabilité de communiquer davantage sur cette voie d’excellence. »

    Gilles Marchand

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