L'époque où les générations ne se comprenaient pas serait-elle révolue ? « Après avoir longtemps déploré le fossé entre les seniors et leurs cadets, l'entreprise commence à comprendre l'intérêt de les faire travailler ensemble », se réjouit Julien Pouget, consultant chez JP & Associés et spécialiste du management intergénérationnel. « On connaît le principe : quand un jeune travaille en alternance, il apprend de ses aînés. Mais de plus en plus d'entreprises développent le « tutorat inversé », où un jeune éclaire un senior sur l'utilisation de certains outils informatiques ou l'enrichit de son point de vue sur une question par exemple. »
Si l’on comprend l’intérêt des aînés pour cet échange, les jeunes cadres concernés ont également beaucoup à y gagner. « Le Groupe Adecco a ainsi développé le tutorat inversé en donnant concrètement la parole aux jeunes talents de l’entreprise », témoigne Antonin Decosse, directeur chez Badenoch & Clark France, l’une des entités du groupe.
« C’est stimulant intellectuellement »
Concrètement, ce trentenaire a même été invité à siéger pendant un an au « Shadow Comex » du groupe, sorte de comité exécutif virtuel. But du jeu : demander à des profils juniors d’examiner les mêmes problématiques que leurs aînés en comité de direction.
« J'ai ainsi pu être sollicité sur des projets transversaux comme des priorités d'investissement, la direction des systèmes d'information ou encore l'amélioration du quotidien des services », détaille-t-il. Avec un bilan largement positif pour lui. « Non seulement c'est stimulant intellectuellement, mais aussi un facteur d'engagement dans l'entreprise car on se sent entendu. Je pense aussi avoir apporté des choses pendant cette expérience. »
Preuve que le concept fait recette, il dépasse même maintenant le cadre de l'entreprise. « Aujourd'hui, un dirigeant senior peut même s'inspirer des méthodes de jeunes fondateurs de start-up par exemple », explique Julien Masson, cofondateur de Whyers. Cette agence a eu l'idée de se spécialiser dans le tutorat inversé à l'échelle des dirigeants en organisant des rencontres et réunions de travail entre ces différents profils.
« Un profil junior sait pivoter par exemple, c’est-à-dire qu’il est capable de revoir une offre en 48 heures. Il peut transmettre son agilité à des profils plus seniors qui apprécient cette façon de voir très orientée vers le client. »
L'échange fonctionne là aussi dans les deux sens. « Chacun a quelque chose à y gagner. Les plus jeunes apprennent aussi de l'expérience des aînés et élargissent leur réseau… »
Céline Chaudeau