Bac français 2019 : les corrigés de l’épreuve de français en première

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Bac français 2019 : les corrigés de l’épreuve de français en première

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    Corrigés Séries L - Corrigé des Séries ES et S - Corrigé des Séries Techno

    Durée de l'épreuve anticipée de français : 4h

    Série L : Littéraire (Coef. 3)

    L'avis du correcteur : Le sujet est classique, les textes sont canoniques, issus d’auteurs connus (Molière, Beaumarchais, Hugo). La question de corpus est simple et porte sur une formulation liée à la compréhension, le commentaire de texte est simple, lui aussi. La dissertation est traditionnelle, puisqu’elle se fonde sur l’intitulé même de l’objet d’étude : théâtre et représentation. Enfin, l’invention est un véritable sujet d’imagination, de type théâtral, et non, comme elle peut l’être parfois une argumentation dissimulée, une dissertation cachée.

    1. Corpus de texte: Quels rôles la chanson joue-t-elle dans ces textes ?

    Le corpus de trois textes théâtraux qui nous est présenté, et qui s’étend du XVIIème siècle au XIXème siècle, porte, entre autres sur le rôle de la chanson au sein d’un texte théâtral. Attention, si le texte A et B sont des extraits de comédie, le texte C appartient au drame romantique.

    Il était possible de raisonner selon le plan suivant :

    -1.La chanson comme expression des sentiments amoureux : A, B, C

    -2.La chanson, expression libre des hommes et des femmes : B, C

    -3.La chanson comme morceau comique qui montre le caractère ridicule de son chanteur : A

    2. Sujet d’écriture au choix :

    - COMMENTAIRE sur l’extrait du Barbier de Séville de Beaumarchais (texte B).

    Introduction :

    Beaumarchais est un dramaturge comique du XVIIIème siècle, célèbre pour ses comédies qui portent, souvent, en leur sein, une charge critique contre les vices de la société, comme dans sa fameuse trilogie : Le Barbier de Séville, Le Mariage de Figaro, La Mère coupable.

    Résumé de la pièce :

    Le Barbier de Séville (1775) raconte la tentative du maître de Figaro, le Comte Almaviva, d’enlever et d’épouser Rosine, retenue prisonnière chez son tuteur.

    Résumé de l’extrait :

    Le Comte Almaviva déclare son amour et ses intentions à Rosine en improvisant une chanson, sous sa fenêtre, pour la charmer, alors qu’elle est surveillée et enfermée chez elle.

    Problématique :

    En quoi avons-nous ici une scène de déclaration d’amour dramatique et plaisante ?

    Proposition de plan :

    Première partie :

    Une scène de déclaration d’amour dramatique

    Rappel : le registre dramatique est celui du suspense, de l’action

    1. une situation complexe

    -fausse identité du Comte : « Chanter sans guitare à Séville ! vous seriez bientôt reconnu, ma foi, bientôt dépisté ».

    -Rosine enfermée chez elle

    -Le Comte ne peut communiquer qu’en chantant et en improvisant, or il n’y est pas habitué.

    2. un temps resserré

    La communication entre les deux amants est problématique : ils ont peu de temps, cela doit-être instantané, sous peine de ne pouvoir jamais s’avouer leur sentiment

    -brutalité de la fin : On entend une croisée qui se ferme avec bruit.

    FIGARO. — Croyez-vous qu’on vous ait entendu cette fois ?

    LE COMTE. — Elle a fermé sa fenêtre ; quelqu’un apparemment est entré chez elle.

    Deuxième partie :

    une scène plaisante qui révèle l’amour

    1. une scène plaisante : la complicité du maître et du valet

    Figaro inverse les rôles et devient le professeur de son maître, son conseiller

    Pittoresque de la scène espagnole : guitare, Séville

    2. une belle déclaration d’amour sous l’apparence d’une anodine chanson d’amour

    Le mensonge du Comte pour séduire Rosine « Je suis Lindor, ma naissance est commune, Mes vœux sont ceux d’un simple bachelier »

    Le chœur des amoureux : « ROSINE, en dedans, chante. Air : du Maître en droit.

    Tout me dit que Lindor est charmant, Que je dois l’aimer constamment... »

    Ouverture :

    Le pouvoir de la chanson d’amour dans le texte C

    - DISSERTATION :Le sens d’une pièce de théâtre et le plaisir qu’elle nous donne reposent-ils uniquement sur les mots ?

    Introduction :

    Opposition entre deux formes de théâtre : le théâtre comme texte littéraire, mots, et le théâtre comme spectacle incarné, vivant, joué par des acteurs, et mis en scène, jouant sur la vue, l’ouïe.

    Première partie : Apparemment le sens d’une pièce de théâtre et le plaisir qu’elle nous donne reposeraient principalement sur les mots.

    1. les mots comme véhicule premier du sens : dire l’action, déjouer l’interdit

    Récit de Théramène dans Phèdre de Racine

    Textes du corpus : B, la chanson comme véhicule de message

    2. la beauté des vers crée dans la tragédie un plaisir poétique

    Les tirades du Cid de Corneille

    Deuxième partie :

    Mais le sens d’une pièce de théâtre et le plaisir qu’elle nous donne reposent aussi sur la mise en scène

    1. le texte incarné par la voix, la diction, le rythme des acteurs

    Rôle des didascalies.

    2. le spectacle théâtral passe aussi par la signification des costumes, leur modernisation ou non

    Cf. chez Molière les costumes du Bourgeois gentilhomme

    3. enfin, le sens passe aussi par le décor qui aide à la compréhension et ajoute du sens au texte théâtral.

    Décors dans Hernani de Hugo, mise en scène de l’île des esclaves, Oh les beaux jours de Beckett

    - INVENTION :En tenant compte des caractères des personnages et de la tonalité du texte de Molière,écrivez la scène au cours de laquelle Monsieur Jourdain rend compte de sa leçon de

    musique à son épouse et à sa servante Nicole. L’une et l’autre désapprouvent ses prétentions.

    Il faut bien analyser l’énoncé : « En tenant compte des caractères des personnages et de la tonalité du texte de Molière, écrivez la scène au cours de laquelle Monsieur Jourdain rend compte de sa leçon de musique à son épouse et à sa servante Nicole. L’une et l’autre désapprouvent ses prétentions ».

    Le caractère des personnages : Jourdain est influençable, naïf, a des goûts populaires et grossiers, se croit intelligent. Le ton est comique, voire satirique tout en étant léger. L’épouse et Nicole : elles savent voir et comprendre le manège des professeurs avides, et doivent tenter de raisonner M. Jourdain, aveuglé par ses flatteurs.

    L’énoncé du sujet montre trois temps : le résumé par Jourdain de sa leçon, puis les reproches des deux femmes, et enfin, les reproches passés, leurs conseils.

    Une bonne invention partira de ces temps successifs, une très bonne copie les mêlera : pendant le résumé, les femmes s’exclameront. Il les reprendra, elles continueront.

    Elles ridiculiseront Jourdain et ses prétentions.

    Série ES : Economique et sociale / S : Scientifique(Coef. 2)

    L'avis du correcteur : Ce sujet, convenu, invite les candidats à envisager la relation que les poètes entretiennent avec la nature. Ce motif traditionnel permet d'étudier des procédés et des images déjà rencontrés dans l'année et lors des années précédentes.

    1. Question sur corpus : Quelle relation le poète entretient-il avec la nature dans les poèmes du corpus ?

    Dans les quatre poèmes, le champ lexical de la nature et les métaphores associées permettent de comprendre la présence évocatrice de ce thème universel. Les allitérations, les exclamations, les termes laudatifs employés alimentent la vision idéalisée et subjective qui nous est livrée de la nature.

    Lamartine, dans "L'isolement", affirme son appartenance au mouvement romantique et exprime avec lyrisme et emphase sa quête d'absolu et sa mélancolie qui ne sont pas sans faire penser au Voyageur contemplant une mer de nuages de Friedrich. Le souvenir du "Lac", poème du même recueil, et de son célèbre vers "Ô temps ! suspends ton vol" permet de comprendre l'omniprésence du thème dans son oeuvre. Anna de Noailles reprend cette veine lyrique dans les quatrains de "La Vie profonde" en associant son âme rêveuse à la nature qui l'entoure. Andrée Chédid centre son regard sur un élément de la nature, un arbre, pour établir, dans un poème en vers libres, une réflexion sur le cours de la vie. Yves Bonnefoy insiste également sur son lien intime, érotique et quasiment charnel ici, à la pluie d'été et sur la force créatrice de cet élément naturel.

    2. Sujet d’écriture au choix :

    COMMENTAIRE : Poème d'Andrée Chédid, "Destination : arbre" (Texte C).

    Forme poétique moderne et originale : la disposition des vers incite à un voyage visuel, jusqu'au point final, seul signe de ponctuation.

    Proposition de plan :

    I - Voyage sensoriel le long d'un arbre

    Le titre du poème laissait présager le thème du voyage associé au motif de l'arbre. Les verbes à l'infinitif confirme cette intuition et entraîne le lecteur à "parcourir l'Arbre". Le rapport proposé est très charnel et assimile l'arbre à un corps humain à ressentir et à apprivoiser.

    II - Parcours poétique et initatique

    Au-delà de ce cheminement sensible au travers de termes suggestifs relatifs au bois et à la sève, la poète interroge plus largement la vie. L'avant-dernière strophe commence à expliciter cette parenté, tandis que la dernière, avec la répétition "d'arbre en arbre", montre le parcours humain entrepris par chacun. Habilement, les "sèves" appellent sonorement les "rêves" deux vers plus loin pour insister sur ce lien profond entre la vie et la poésie.

    DISSERTATION :"Avoir l'âme qui rêve, au bord du monde assise" : pensez-vous que ce vers puisse définir l'attitude du poète face au monde ?

    La formulation autorises à considérer dans un premier temps comment le poète, observateur du monde, à la fois contemplatif et visionnaire, livre une image subjective et décalée du monde. Dans un deuxième temps, il est important de ne pas restreindre la poésie à ce lyrisme enthousiaste : l'engagement inscrit très souvent les auteurs dans leur temps. Malgré l'image d'albatros qui leur est souvent associée et qui les place en marge de la société, les rôles et les postures des poètes sont multiples. La récurrence du thème de la nature révèle justement cette diversité et la richesse de leur imaginaire et de leur subjectivité.

    INVENTION : "Nulle part le bonheur ne m'attend." Dans un texte poétique d'une certaine ampleur, vous prendrez le contrepied de cette affirmation en évoquant l'épanouissement et la plénitude du poète au sein de la nature. Vous pourrez choisir d'utiliser une forme versifiée ou une prose poétique.

    Sujet très risqué. Le fond ne pose pas de problème fondamental mais demande de varier les images et les procédés malgré la banalité du thème proposé. La forme poétique exigée, vers ou prose, nécessite des qualités rédactionnelles assurées. Reste l'expression "d'une certaine ampleur", pour le moins déstabilisante pour le candidat, qui aurait eu besoin d'être mieux cadré.

    Séries Techno - correction du Bac Français 2019

    Épreuve corrigée par Marie Chauveau, professeur de Lettres Modernes au Lycée Albert Einstein

    L'avis de la correctrice : Il s'agit d'un sujet assez classique issu de l'objet d'étude "Le personnage de roman, du XVIIe siècle à nos jours". Les questions sont sans contraintes apparentes de lexique dans la question de corpus et le commentaire. La question de dissertation était cette année assez ouverte, permettant de puiser dans sa culture personnelle, voire cinématographique. La question d'invention reste assez proche de ce que les élèves ont l'habitude de faire. Ce sujet ne devrait donc pas surprendre les candidats.

    1.Questions de corpus

    Trois textes sont soumis au candidat. On remarque d'emblée qu'ils sont issus de romans assez proches dans le temps, ils sont presque synchroniques: L’Éducation sentimentale et Le Ventre de Paris sont des romans du XIXe siècle, et Aurélien du XXe siècle. Flaubert se rapproche plus des auteurs réalistes, Zola est le chef de file des naturalistes, tandis que Aragon est à relier aux surréalistes. Il s'agit donc de présenter chacun de ces textes dans une introduction, puis de traiter les deux questions:

    -Quels sont les points communs qui réunissent ces trois textes?

    Il convient tout d'abord de rappeler que ces trois textes sont principalement descriptifs, dans leur structure. Il s'agit de descriptions de villes, et plus précisément de descriptions parisiennes. Le personnage principal, le protagoniste, parcourt la ville de Paris et nous rend compte de ses observations et de ses émotions. Ce dernier point était à réserver pour la question 2.

    Il fallait donc relever tous les procédés propres à la description: l'imparfait de description " Au fond des cafés solitaires, la dame du comptoir bâillait entre ses carafons remplis; les journaux demeuraient en ordre [...]" ou "Elles flambaient dans le soleil.", mais aussi le champ lexical de la ville de Paris, avec un relevé de noms propres "les Halles", "l'Etoile", "les Champs-Élysées", ou encore "la Bastille", et plus généralement, le champ lexical de la ville : "Les grands murs des collèges", "un omnibus", ou encore "des boulevards". On pouvait aussi relever les nombreuses expansions du nom: "une cité tumultueuse dans une poussière d'or volante", "les venelles vides", et les énumérations, juxtaposant de nombreux éléments entre eux et donnant une impression de profusion: "[...] un bouquiniste; un omnibus qui descendait en frôlant le trottoir [...]" ou "la ville entière repliait ses grilles; les carreaux bourdonnaient, les pavillons grondaient".

    On pouvait aussi relever de nombreuses images dans ces descriptions, qui les rendaient toutes assez vivantes et même poétiques. Les candidats pouvaient relever différentes métaphores, personnifications ou comparaisons.

    -Quels sentiments ou quelles émotions la ville provoque-t-elle chez les personnages?

    Nous avons vu que ces textes montraient tous un protagoniste se promenant en ville et décrivant ce qui l'entoure, mais aussi ce qu'il ressent. Ici, il fallait donc s'intéresser aux différents sentiments suscités par la ville chez le personnage.

    Dans le premier texte, celui de Flaubert, la ville provoque une sensation de solitude, d'ennui. On peut relever un champ lexical du silence: "silence", "paisible", "morne" ou du sommeil: "bâillait", "frissonnaient". Le quartier latin en été est vidée de ses étudiants. Évoquer la solitude de la ville, c'est faire écho à celle du personnage principal: c'est bien ce que montre l'hypallage "des cafés solitaires". A l'inverse, la description des boulevards montre une foule dense, oppressante pour le personnage. Un adjectif péjoratif décrit son sentiment face à la foule: "écœuré". Le sentiment du personnage principal est ici un sentiment de supériorité "la conscience de mieux valoir que ces hommes" face aux autres, décrits dans une énumération péjorative: "la bassesse des figures, la niaiserie des propos, la satisfaction imbécile transpirant sur les fronts en sueur!". La phrase exclamative accentue le dégoût ressenti par le personnage.

    Cependant, dans le second extrait, celui de Zola, on peut remarquer que la ville, contrairement au texte précédent, est source de profusion, d'étourdissement. Le personnage principal est pris de vertige et de douleur face à l'abondance des marchandises et de la nourriture. La description prend la forme d'une hypotypose, c'est-à-dire qu'elle est très visuelle et frappante: le marché des Halles est comparé à un grand incendie: " le soleil enflammait les légumes", "les cœurs élargis des salades brûlaient", "les navets devenaient incandescents", et la description peut évoquer de la violence: "les carottes saignaient". On remarque aussi l'hypozeuxe: "C'était la marée, c'étaient les beurres, c'était la volaille, c'étaient les viandes". Ces procédés montrent tous une abondance étourdissante de la nourriture. Or, cette profusion est à mettre en antithèse avec la faim ressentie par le personnage principal; il ressent de la douleur, de la souffrance: on remarque les métaphores: "aveuglé, noyé" (comme si cette nourriture l'éblouissait ou le noyait par son éclat et son nombre) et l'antithèse: "une douleur folle le prit, de mourir ainsi de faim, dans Paris gorgé". Enfin on pouvait évoquer les larmes du personnage: "De grosses larmes chaudes jaillirent de ses yeux." Il y a ici une tonalité pathétique.

    Enfin, dans le dernier extrait, issu d'Aurélien d'Aragon, la vision du personnage principal, Bérénice, est bien plus positive que dans les textes précédents. La solitude est ici un bonheur "Bérénice savourait sa solitude". On remarque de nombreuses tournures exclamatives et mélioratives: "Oh, le joli hiver de Paris, sa boue, sa saleté et brusquement son soleil!" ou " Que c'est beau, Paris!". Nous pouvons donc parler ici d'un sentiment d'admiration de la part du personnage principal. On retrouve un champ lexical du plaisir, de l'agrément: "Bérénice aimait", "il plaisait à Bérénice". On remarque cependant que certains lieux de Paris l'effraient, mais qu'elle prend plaisir à y faire travailler son imagination: "cet univers qui l’effrayait et l'attirait".

    2. Sujet d’écriture au choix :

    COMMENTAIRE: Vous ferez le commentaire du texte C extrait d’Aurélien d’Aragon en vous aidant du parcours de lecture suivant :1- Les plaisirs de la promenade,2- Les multiples facettes de Paris

    Il s'agissait de commenter l'extrait d'Aurélien d'Aragon. Il n'était pas nécessaire de connaître le roman à étudier, mais des connaissances biographiques sur Aragon étaient les bienvenues.

    Surréaliste de la première heure, Louis Aragon est un poète et romancier français du XXe siècle. Il a participé à fonder le mouvement littéraire et artistique du surréalisme avec André Breton, Paul Eluard ou encore Philippe Soupault. Il est connu pour avoir participé à la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, mais aussi pour les nombreux recueils de poésie qu'il a dédiés à Elsa Triolet, son grand amour. On peut ainsi citer Elsa ou Les mains d'Elsa. Le texte qui nous est donné à étudier est un extrait du roman Aurélien, connu pour remettre en question les normes du roman traditionnel. Ici, le narrateur épouse le point de vue de la jeune Bérénice qui s'élance à travers les rues de Paris: la description qui nous est proposée est alors dynamique et empreinte d'une vision enchantée et heureuse du monde. En quoi cette plaisante promenade fait-elle voir les multiples facettes de la ville? Nous verrons tout d'abord les plaisirs de la promenade, puis nous étudierons les multiples facettes de Paris.

    Tout d'abord, étudions en quoi cette promenade revêt la forme d'une fuite délicieuse, pleine de plaisirs.

    Les plaisirs de la promenade sont d'abord rendus sensibles par l'enthousiasme et le sentiment de bonheur qui affleurent. Il convient ainsi d'évoquer l'isotopie du plaisir et de l'agrément qu'on retrouve particulièrement dans des verbes de goût: "Bérénice savourait" (l.1), "on s'amuse" (l. 8), "Bérénice aimait" (l. 19) "il plaisait à Bérénice (l. 23) ou encore "l'attirait". (l. 30). Notons d'emblée que ce plaisir est quelquefois paradoxal: "la pluie fine [...] lui plaisait", alors qu'on peut penser que la sensation de la pluie n'est pas nécessairement agréable., et "cet univers [...] l'effrayait et l'attirait" (l. 29-30). Cette dernière antithèse confirme l'étendue paradoxale de ce plaisir. En fait, il est souvent lié à un plaisir des sens, qu'il s'agisse de la "pluie fine" qui fait appel au toucher, de la comparaison à la broderie de la ligne 12-13 "c'était vraiment comme broder, ces promenades-là" ou encore de l'ouverture de la "perspective [...] pour voir au loin l'Arc de Triomphe (l. 29-30), qui fait appel cette fois à la vue.

    Ces plaisirs de la promenade sont ceux de Bérénice. Ainsi, la description suit le point de vue du personnage, c'est un point de vue interne. Nous pouvons dès lors, relever les passages au discours indirect libre qui rapporte les paroles ou les pensées du personnage sans rompre la narration. C'est le cas des phrases: Oh, le joli hiver de Paris, sa boue, sa saleté et brusquement ton soleil!" (l. 4-5) et "Que c'est beau Paris!". Dans les deux phrases, la ponctuation exclamative, l'adverbe exclamatif "Que" et l'interjection "Oh" montrent le plaisir de Bérénice. En outre, les adjectifs "joli" et "beau" font état de son jugement personnel extrêmement positif. Qui plus est, le texte emprunte des tournures de phrase à l'expression orale, notamment lorsque le sujet est redoublé: "C'était vraiment comme broder, ces avenues-là." (l. 29-30). On entendrait presque la voix de Bérénice. Enfin, les multiples aposiopèses que relayent les points de suspension suggèrent de manière implicite la présence d'émotions ineffables.

    Enfin, la promenade est plaisante car elle est "facile" (l. 7). Ainsi, la description de Paris n'est jamais heurtée, c'est un sentiment de fluidité qui domine. Il convient de noter la brièveté de la phrase: "Tout est facile à Paris", qui rompt le rythme avec les énumérations précédentes et est d'autant plus mise en valeur. Plus généralement, c'est avec facilité que Bérénice passe d'un endroit à un autre. Nous pouvons relever la formule: "se jeter dans une rue traversière et gagner l'avenue suivante, comme elle aurait quitté une reine pour une fille, un roman de chevalerie pour un conte de Maupassant." (l. 20-22). Ici la comparaison amplifie la facilité avec laquelle Bérénice peut passer d'une rue à l'autre. En fait, cette facilité reflète le sentiment de liberté, pierre de touche de cet extrait. Le début du texte insiste sur la multiplicité des choix qui s'offrent à Bérénice, grâce aux énumérations, tandis que le début du deuxième paragraphe narre un sentiment de confiance et d'abandon, comme le suggère le verbe " se jeter dans" (l. 20).

    Si cette promenade est délicieuse pour Bérénice, c'est que Paris, la ville qu'elle décrit, offre matière à plaisir. Nous allons à présent étudier les multiples facettes de Paris mises en valeur dans cet extrait.

    Tout d'abord, Paris est une ville aux multiples visages, c'est le sentiment de variété qui domine tout au long de l'extrait, et qui procure à Bérénice un plaisir lié à la diversité et au changement. D'emblée, notons que les opportunités sont pléthore: on relever les énumérations : "il y avait les grands magasins, les musées, les cafés, le métro" (l. 6-7) et "il y a des rues, des boulevards". (l. 7-8). Ces deux énumérations sont introduites par un présentatif et se caractérisent par leur asyndète, ce qui accentue la dimension pléthorique de l'offre. Par ailleurs, l'offre y est variée, comme dans l'expression antithétique "sa saleté et brusquement son soleil." (l. 5), ou dans le parallélisme entre "le paradis rêveur de l'avenue Friedland ou le grouillement voyou de l'avenue Wagram" (l. 14-15). De même, cette variété de paysage et d'atmosphère se retrouve dans l'expression: "l'équivoque lacis des hôtels et des garnis [...] qui fait à deux pas des quartiers riches passer le frisson crapuleux des fils de famille et d'un peuple perverti". (l. 25-27) Dans cette expression, le Paris pauvre, hors-la-loi, s'oppose de manière antithétique au Paris riche, bourgeois, et les "chemins de traverse" permettent de quitter l'un pour gagner l'autre. C'est bien ce glissement perpétuel d'un monde à l'autre qui crée le plaisir et la surprise.

    D'autre part, cette description propose une personnification de Paris en ville à la fois belle et accueillante. Ainsi, Bérénice est fascinée par les dessins des balcons comme par celui de l’Étoile, cette symétrie l'attire. Toutefois, c'est surtout la métamorphose de Paris en être supérieur et lumineux qui marque la jeune fille: "l’Étoile domine des mondes différents, comme des êtres vivants. Des mondes où s'enfoncent des bras de lumière." (l. 17). Relevons également l'expression apposée "Chemin vivants" (l. 22). Ainsi, non seulement le membre du corps humain qu'est les "bras" est convoqué mais l'adjectif "vivant" est répété. Cette ville est un refuge pour Bérénice semble faire l'expérience de sa liberté.

    Enfin, Paris se présente comme une ville mystérieuse suscitant l'imagination de Bérénice mais aussi du lecteur. En effet l'évocation de certains lieux suscitant le frisson "crapuleux", des "femmes furtives" et de "l'équivoque lacis des hôtels et des garnis, des bistrots" (l. 27) renvoie le lecteur à un imaginaire du lieu caché, du mystère, de la débauche. Cela peut renvoyer aux lieux où naissent les histoires, où l'imaginaire est sollicité: "un domaine à l'autre de l'imagination." (l. 23). La visite de la ville est vécue comme la découverte d'un roman, avec cette comparaison: "comme elle aurait quitté une reine pour une fille, un roman de chevalerie pour un conte de Maupassant." Ainsi, les méandres de la ville, la diversité des lieux, excite l'imagination de la jeune fille, et à travers elle, du lecteur.

    Pour conclure, le candidat devra rappeler sa problématique et résumer adroitement son commentaire.

    Il était possible de lier ce texte, par exemple, à la découverte de Paris par le narrateur dans Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo ou tout autre texte retraçant le regard d'un personnage sur la ville de Paris.

    DISSERTATION : Peut-on bien connaître un personnage de fiction sans la présentation des lieux dans lesquels il évolue?

    Il s'agissait ici d'une question qui demandait une réponse par plan dialectique, c'est-à-dire pour schématiser: oui / mais...

    Si l'on part du présupposé de cette question, qui est que l'on ne pourrait bien connaître un personnage de fiction sans la description de son environnement, il était possible de présenter un plan ainsi composé:

    1. Oui, la connaissance des lieux permet une bonne compréhension du personnage de fiction

    2. Cependant, la description des lieux n'est pas le seul moyen d'appréhender le personnage.

    Il ne faut pas oublier que différents plans sont possibles et acceptables, tant qu'ils restent cohérents et rigoureux.

    Pour le 1, qui explique le sujet, on pouvait proposer ces sous-parties:

    -Certains personnages sont liés intrinsèquement aux lieux: Le champs de bataille pour les héros de chevalerie (Chrétien de Troyes) / La nature pour les héros romantiques, comme dans Paul et Virginie

    -La description des lieux permet de connaître les sentiments du personnage comme dans nos extraits

    -La description des lieux permet de connaître le statut social / le contexte historique du personnage: Le quartier de la Goutte d'Or pour Gervaise dans l'Assommoir de Zola.

    On pouvait parfaitement utiliser les textes du corpus dans cette grande partie. On pouvait également utiliser comme exemples des romans réalistes, souvent étudiés en Seconde mais aussi parfois en Première: l'incipit de Bel Ami de Maupassant, des descriptions de romans de Balzac, par exemple la pension du Père Goriot, ou encore les descriptions de la maison d'Emma Bovary.

    Pour le 2, qui nuance le sujet, il était possible de proposer ces sous-parties:

    -On connait surtout le personnage par ses actions: portrait en action comme celui de Bel Ami dans l'incipit

    -Les pensées du personnage nous donnent accès à son intériorité: les flux de conscience de Bardamu dans Voyage au bout de la nuit de Céline

    -La description des lieux a surtout une autre fonction: Les personnages peuvent être des prétextes à l'étude des lieux: Le Auchan dans Regarde les lumières mon amour de Annie Ernaux / La mine dans Germinal de Zola (étude sociale et politique) /La description peut avoir une fonction poétique: la dimension picturale dans notre extrait du Ventre de Paris de Zola

    Ou encore: L'absence de lien d'un personnage avec un lieu peut s'inscrire dans une démarche de réflexion autour du personnage, comme dans le Nouveau Roman.

    INVENTION : Un personnage de votre choix circule dans une ville d’aujourd’hui. Vous décrirez ce qu’il voit et rendrez compte de ce qu’il ressent en vous inspirant des textes du corpus.

    Un personnage de votre choix circule dans une ville d'aujourd'hui. Vous décrirez ce qu'il voit et rendrez compte de ce qu'il ressent en vous inspirant des textes du corpus.

    La lecture et la bonne compréhension du sujet d'invention sont des éléments primordiaux pour la réussite de cet exercice.

    Il s'agissait, pour ce sujet, de prendre modèle sur les textes du corpus: il faut bien produire une description, avec toutes les attentes stylistiques qui en résultent (imparfait, expansions du nom, énumérations, images, verbes de perception...) et surtout ne pas oublier le point commun à tous les extraits: les sentiments ou émotions que le personnage ressent en se promenant dans la ville (verbes de sentiments, modalisateurs, éventuellement registre épidictique...). Attention, il fallait bien lire la consigne: s'il s'agit d'une inspiration des textes du corpus, on demande cependant aux candidats de décrire une ville d'aujourd'hui. Pas d'anachronismes, donc!

    Il faut également veiller tout particulièrement, dans cet exercice à:

    -Une syntaxe irréprochable.

    -Un lexique riche et varié.

    -Une récit montrant de l'imagination.

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