DOSSIER : Les facs s'attaquent aux fautes d'orthographe

C’est un constat unanime : trop d’étudiants sont fâchés avec l’orthographe et, plus globalement, avec le français. Une vingtaine d’universités proposent désormais des cours de rattrapage.

DOSSIER : Les facs s'attaquent aux fautes d'orthographe

    Retour aux fondamentaux ! Accents oubliés, phrases sans verbe, participes passés massacrés…les lacunes des étudiants sont telles que 19 universités (sur 84) lancent en cette rentrée des programmes de remise à niveau. A Amiens, Brest, Dijon, Le Havre, Nanterre, Paris-XI (Orsay) ou Grenoble, ces dispositifs permettent aux 1re année de reprendre les bases de français pendant une trentaine d’heures, par petits groupes. Valérie Pécresse n’hésite pas à parler de « bataille de l’orthographe ». « La communication écrite et orale est une des conditions nécessaires pour réussir son cursus et trouver un bon travail. Or le niveau des étudiants est très hétérogène.On constate pour certains de vraies difficultés à l’écrit et un manque d’autonomie à l’oral », analyse laministre de l’Enseignement supérieur, qui appelle toutes les universités à se lancer dans des « programmes de consolidation ».

    Eviter d’amères désillusions sur le marché du travail

    Ce rattrapage commence généralement par un diagnostic. Beaucoup de facs organisent des tests, comme l’UBS (Bretagne-Sud) à partir d’aujourd’hui. « C’est une petite dictée de dix minutes, que passeront les 700 néo-étudiants inscrits en lettres et en sciences humaines. Les 150 qui ont fait le plus de fautes bénéficieront de notre dispositif de remise à niveau. » D’autres s’appuient sur les résultats du bac. A Paris-VI (Pierre-et-Marie- Curie), ceux qui ont eu moins de 7/20 à l’écrit et de 10 à l’oral de français (200 étudiants cette année) sont envoyés dans les ateliers d’expression écrite et orale. « Ça ne sert à rien de se lamenter, il faut agir. Depuis quinze ans, c’est une vraie dérive », plaide Patrick Porcheron, vice-présidentde la meilleure fac scientifique de France. « Si encore ce n’était qu’un problème d’orthographe ! Mais cela va bien au-delà : les mots sont employés de travers et les phrases construites sans queue ni tête. Un bêtisier permanent ! » Comme lui, de nombreux universitaires prennent le taureau par les cornes pour éviter à leurs étudiants d’amères désillusions sur le marché du travail. « A ce niveau d’études, les lacunes que nous constatons ne sont plus acceptables, s’étonne Bruno Sire, patron de Toulouse-Capitole, qui dispense des cours de culture générale aux 1re année de droit. Notre but, c’est d’en faire des juristes capables de rédiger des contrats. Que diront les entreprises de nos étudiants s’ils sont illisibles ? »

    POURQUOI NOTRE LANGUE EST-ELLE AUSSI MALMENEE?

    Que nous arrive-t-il ? Les Français, pourtant si fiers de leur langue, la maltraitent de plus en plus. Dans les classements internationaux, en lecture, nos élèves sont en dessous de la moyenne si on les compare à leurs camarades étrangers. En dictée, le verdict est sans appel : un petit texte proposé par le ministère de l'Education auprès des CM 2 a montré que le nombre de fautes était passé de 10,7 en 1987, à 14,7 en 2007 dans les mêmes écoles. Plus inquiétant, 46 % des élèves ont totalisé plus de 15 erreurs en 2007, contre 26 % vingt ans plus tôt. De nombreux autres tests ont abouti aux mêmes—mauvais—résultats. Alors la faute à qui ? Difficile de ne pas pointer les programmes. Selon le collectif Sauver les lettres, un élève a perdu en quarante ans 800 heures de français entre le CP et la 3e. « C'est mathématique : l'élève n'a pas le même temps pour apprendre », souligne l'association de profs, qui pointe aussi et surtout les méthodes d'apprentissage.

    Depuis dix ans, beaucoup d'experts plaident—ils ont été pour partie entendus — pour un « retour aux fondamentaux », avec plus de dictées et de règles de grammaire à connaître par coeur. Mais l'école a parfois bon dos. Au- delà de leurs lacunes scolaires, les nouvelles générations, qui ont grandi avec les textos et la zappette, « font des fautes d'inattention énormes », explique Bernard Fripiat, auteur de plusieurs ouvrages sur l'orthographe (First Editions). « Très souvent ils savent, mais ils sont tellement habitués à aller vite, à ne pas vérifier, qu'ils font des bêtises. Et surtout, ils s'en fichent très souvent. » Jusqu'à désespérer les enseignants qui, de guerre lasse, ont fini par ne plus sanctionner sévèrement les fautes dans les copies du brevet, du bac etmême des concours aux grandes écoles.

    TROP D'ERREURS DE FRANÇAIS…PAS DE DIPLÔME

    C’est une première en France. L’école internationale des sciences du traitement des informations (Eisti) de Cergy-Pontoise, dans le Val-d’Oise, qui figure dans le top 30 des écoles françaises d’ingé- nieurs, ne délivrera un diplôme à ses élèves que s’ils ont un niveau correct d’orthographe. A la fin de l’année, toutes les 3e année passeront la certification du projet Voltaire. Ce test, lancé en début d’année en France, consiste en un examen d’orthographe de deux heures trente, sanctionné par des résultats allant de 1 à 1 000 (niveaucorrect à partir de 500, expert à 900). La direction de l’école, qui avait d’abord pensé mettre la barre à 600, se contentera finalement de 500. Si les étudiants n’ont pas la moyenne, ils devront repasser le test en 4e, voire en 5e année (jusqu’à obtenir plus de 500) pour espérer décrocher leur diplôme de génie mécanique ou de mathématiques. «Dans toutes les écoles d’ingénieurs, il faut un bon niveau d’anglais, soit au moins 750 au fameux test du Toeic. C’est tout de même normal d’exiger la même chose pour le français ! » justifie Sophie Mano, professeur de culture générale à l’Eisti. « Beaucoup ont de grandes difficultés avec l’expression écrite. Ils ne se rendent pas compte qu’à terme ça freinera leur carrière. Le certificat Voltaire sera un plus sur leur CV. De toute façon, on ne pouvait plus continuer comme ça. »

    Apprentissage sur le Net

    En plus des cours de maths ou de physique, les futurs ingénieurs de l’école de Cergy, pas très enchantés de cette perspective, devront bucher leur orthographe, en se servant d’une plate-forme de e-learning (NDLR : utilisation du Net pour l’apprentissage). Chaque élève se verra doter d’un code d’accès au site Internet élaboré par le projet Voltaire. Ils devront s’y entraîner plusieurs heures par semestre, avant d’être soumis à des contrôles continus qui compteront pour leur note finale. Si aucun autre établissement du supérieur n’a encore décidé de conditionner l’obtention du diplôme au niveau d’orthographe, « une cinquantaine d’IUT, de BTS ou d’écoles de commerce proposent déjà à leurs étudiants ce service de e-learning », se félicite Pascal Hostachy, fondateur du projet Voltaire*. Les particuliers et les entreprises sont également de plus en plus nombreux à l’utiliser.

    * Renseignements sur www.projet-voltaire.fr. Deux possibilités : s’abonner au service de e-learning (39,60 € pour les particuliers, 99 € la version enrichie à destination des entreprises). Et passer le test (50 €) dans une salle pour obtenir la certification en orthographe.

    CHARLES DE SAINT SAUVEUR

    Articles parus dans le Parisien du 04/10/2010

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