Ecoles d'ingénieurs : des écoles en pleine mutation

Fusions, rapprochements, alliances... les établissements de formation évoluent pour avoir une meilleure visibilité et renforcer leur attractivité.

Ecoles d'ingénieurs : des écoles en pleine mutation

    Fusions, rapprochements, alliances... les établissements de formation évoluent pour avoir une meilleure visibilité et renforcer leur attractivité.

    «Si l’on formait 5 000 ingénieurs de plus, ils trouveraient à s’employer sans problème ! En revanche, le “marché” des écoles est en pleine mutation : depuis une dizaine d’années, leur nombre décroît d’environ 10 % par an. Elles sont aujourd’hui 200, auxquelles s’ajoutent quelques universités habilitées à délivrer le diplôme d’ingénieur »

    , souligne Bernard Remaud, président de la Commission des titres d’ingénieur (CTI).

    La désaffection pour les filières scientifiques serait-elle à l'origine de ce phénomène ? Dans tous les pays « post-industriels », les métiers de la finance, du management et du droit attirent plus que les filières techniques. Aux États-Unis, 50 % des étudiants en ingénierie sont étrangers. En revanche, la Chine, l'Inde et tous les pays en forte croissance remplissent leurs formations d'ingénieurs et envoient des milliers d'étudiants à l'étranger. « Cette désaffection, qui est réelle à l'université ou dans certaines écoles qui peinent à recruter, ne concerne pourtant pas les filières d'excellence, modère Alain Bravo, ex-polytechnicien et directeur général de Supélec. Cette année, nous avons eu 8 500 candidats pour 460 places au concours de Supélec. Mais il est vrai que 10 % de nos diplômés choisissent de travailler dans la finance… »

    Si le nombre des écoles diminue, c’est surtout à cause des phénomènes de concentration et de rapprochement avec les universités. Encouragés par la politique gouvernementale, fusions, regroupements, alliances et autres partenariats agitent le marché.

    À l’image de l’École polytechnique, qui vient de signer un accord de double diplôme avec l’université Montpellier 2 et celle de Strasbourg. Douze établissements polytechniques universitaires sont ainsi apparus ces dernières années à Nantes, Marseille, Lille, Tours… Réunies dans le réseau Polytech, elles regroupent 12 000 élèves ingénieurs et 1 000 doctorants.

    Autre exemple, l'ENSE3, une école d'ingénieurs spécialisée dans les métiers de l'énergie, de l'eau et de l'environnement, est née de la fusion de deux établissements avant d'intégrer l'Institut national polytechnique (INP) de Grenoble, qui fédère six institutions sur un campus regroupant 5 300 étudiants. Pour son directeur, Olivier Métais : « Les écoles françaises étaient trop dispersées. La concentration permet une approche pluridisciplinaire, indispensable à l'évolution des techniques et de l'économie. Nous pouvons mutualiser les moyens, avoir une plus grande visibilité et donc une meilleure attractivité, notamment à l'international. »

    Les relations étroites tissées entre les écoles et les entreprises sont une autre spécifi cité française. Toutes les grandes sociétés développent des partenariats, proposent des stages, participent aux conseils d'administration… « L'employabilité des diplômés est un critère déterminant pour une école d'ingénieurs, précise Alain Bravo. Elle passe forcément par un dialogue étroit avec le monde de l'entreprise, notamment grâce aux anciens élèves qui, occupant souvent des postes de direction, continuent d'entretenir des relations avec leur école. » Les entreprises contribuent également à faire évoluer le contenu même des formations. « C'est à la demande des entreprises que les écoles mettent désormais l'accent sur l'international ou qu'elles consacrent 20 à 30 % de leur enseignement à des domaines non scientifiques », confirme Bernard Remaud. « Les écoles d'ingénieurs s'ouvrent davantage dans notre direction. En un peu plus de cinq ans, elles ont modifié leurs critères de stages qui, jusque-là, excluaient d'emblée nos métiers. Résultat : nous avons tissé des liens solides avec Supélec, Centrale, l'ENSAE (École nationale de la statistique et de l'administration économique), les Arts et métiers, Mines ou encore les Ponts », précise Rémi Boulesteix, associé chez KPMG, en charge des relations avec les écoles d'ingénieurs.

    De même, c’est grâce aux entreprises que se sont développées les formations en alternance : 15 % des nouveaux diplômés suivent désormais cette filière.

    Ludovic CATERINA,

    Senior HR manager chez Subsea 7

    Subsea 7 veut recruter 170 ingénieurs en 2012

    Les ingénieurs, chez Subsea 7, on connaît. Et pour cause, cette entreprise, qui assure la conception, la fabrication et la mise en oeuvre d'infrastructures sous-marines pour les champs pétroliers ou gaziers offshore, emploie plus de 80 % de cadres. « Nous recrutons essentiellement des spécialistes de l'ingénierie, du supply chain et du contract management ou de la sécurité. Ce sont des profi ls assez pointus que nous avons parfois du mal à trouver », explique Ludovic Caterina, Senior HR Manager chez Subsea 7.

    Pour attirer les perles rares, la société, qui compte plus de 1 000 personnes en France, multiplie les rencontres dans les écoles d'ingénieurs (écoles centrales, ENSAM, ENSTA…) et met en avant la diversité des carrières proposées aux collaborateurs d'un groupe d'envergure internationale. « Nous recrutons des étudiants qui ont fait leur stage chez nous ou dans des secteurs similaires ou connexes. Mais nous avons aussi des postes pour des profils plus confirmés, par exemple en management de projet. Nous recruterons 170 personnes en 2012 », précise Ludovic Caterina. Les postes proposés sont très variés : ingénieurs conception (structures, pipeline, etc.), ingénieurs projet, ingénieurs de fabrication ou ingénieurs d'installation offshore.

    « Le salaire d’embauche d’un jeune diplômé oscille entre 35 000 et 40 000 euros brut par an, auxquels s’ajoutent l’intéressement et la participation »

    , souligne encore Ludovic Caterina.

    Enfin, l’entreprise propose également de nombreuses opportunités de mobilité à l’international, principalement en Afrique et en Amérique.

    Interview : Alain BRAVO, directeur général de Supélec

    "Nous devons renforcer notre visibilité internationale"

    Comment la formation des ingénieurs évolue-t-elle ?

    La recherche joue un rôle de plus en plus important. Dans les hautes technologies, les délais entre innovation et mise sur le marché des nouveaux produits sont de plus en plus courts et les ingénieurs doivent dialoguer avec la recherche. Les étudiants de Supélec fréquentent les laboratoires dès la première année. 10 % de nos diplômés choisissent de travailler dans la recherche, d’autres poursuivent leurs études par un doctorat (PhD) à l’étranger. Autre tendance, l’ internationalisation se renforce. 70 accords d’échange avec d’autres établissements permettent à un tiers de nos élèves d’effectuer une partie de leur formation hors de France et d’obtenir un double diplôme (français et étranger). Supélec compte ainsi 23 % d’étudiants étrangers.

    Les ingénieurs sont nombreux parmi les dirigeants d’entreprise. Quelle est la part du management dans la formation ?

    L’enseignement concerne à 30 % des matières non techniques : économie, fi nance, marketing… Des partenariats, comme avec l’ESCP-Europe, permettent aux étudiants qui le souhaitent de suivre un double cursus et d’obtenir un diplôme en management. Si 60 % de nos diplômés commencent leur carrière dans l’ingénierie ou la recherche et développement, 50 % exercent vingt ans plus tard des fonctions de direction ou ont fondé leur entreprise.

    Pourquoi voit-on se multiplier les regroupements d’établissements ?

    C’est une autre tendance lourde : à côté de spécialistes ultra-pointus, nous avons de plus en plus besoin d’ingénieurs capables de raisonner globalement, en « système », ce qui suppose une approche pluridisciplinaire, d’où les alliances entre établissements. L’association de Supélec et Centrale forme 1 000 ingénieurs par an, ce qui renforce notre visibilité internationale. Les grandes écoles françaises en ingénierie ont un très haut niveau, mais sont souvent trop petites. Si les classements internationaux prenaient en compte l’ensemble des établissements d’excellence du plateau de Saclay (Paris XI, Polytechnique, Mines, Supélec et bientôt Centrale, Cachan…), nous aurions une tout autre visibilité.

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    Ecoles d'ingénieurs : des écoles en pleine mutation

    Renaud Lefebvre

    Article issu du Parisien économie du lundi 10 octobre 2011

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