Pédagogie & technologie : à quand la fin des cours à l'ancienne ?

Accessibles partout, disponibles tout le temps : les nouveaux outils remplacent les cours en amphis.

Emmanuel Métais, directeur général de l’Edhec, se réjouit : « Nous vivons une époque fabuleuse », affirme-t-il, en prenant pour témoin la digitalisation qui bouleverse l’enseignement. Cours dématérialisés, projets de groupe entre plusieurs écoles, plusieurs campus… Après avoir relégué cahiers et classeurs aux oubliettes, va-t-on voir les salles de cours disparaître ?

Le digital a déjà fait exploser les frontières d'espace et de temps. Avec une première victime : « Le cours magistral, tel que nous l'entendions, est sur la fin », analyse Emmanuel Métais. L'acronyme quelque peu barbare d'ATADAWAC est sur toutes les lèvres (Anytime, Any Device, Anywhere, Any Content : à tout moment, sur n'importe quel appareil, n'importe où, n'importe quel contenu). Pourquoi suivre en amphi un cours que nous pouvons facilement écouter chez nous, en reprenant les passages selon nos besoins ?

Vers l’apprentissage augmenté

Pour le moment, l'heure est au blended learning (enseignement mixte). Et la part réservée au digital augmente chaque année. Elle atteindra 20 % à l'Edhec en 2020.

ESCP Europe exploite aussi ces possibilités, comme l’explique Sergio Vasquez, doyen associé de l’école, en charge de l’apprentissage numérique : « Le digital nous permet de pousser très loin les jeux d’entreprise, les simulations, d’entraîner à la prise de décision, de créer des projets de groupe ambitieux… ». Le digital sert déjà à dispenser des contenus 100 % à distance, « par exemple, quand un étudiant est en stage et qu’il doit rattraper des crédits ». C’est aussi le cas pour les jeunes qui rejoignent ESCP Europe en admission parallèle et qui doivent se remettre à niveau pendant l’été.

Mais il n’est pas l’heure de fêter la fin des cours… Le digital apporte son lot de nouveautés, mais ne remplacera pas de sitôt la présence, « le plus formidable outil de socialisation qui soit », affirme Sergio Vasquez. Il souligne que, pour un mammifère à 5 sens, l’outil digital ne flatte que l’ouïe, la vue et peut-être le bout du doigt… Ce qui ne saurait suffire à une expérience étudiante digne de ce nom.

Point de vue

« La digitalisation des programmes commence déjà à montrer ses limites ! »

Thierry Picq Directeur de l’innovation pédagogique EM Lyon

Jusqu’où ira la digitalisation ?

Elle avance à grande vitesse, c’est certain. Le digital offre une grande richesse de variations pédagogiques, en nous permettant de donner de la liberté aux professeurs pour innover. Pour les étudiants, c’est un gage de flexibilité, d’une meilleure adaptabilité à son rythme et ses contraintes. C’est aussi l’occasion de faire participer plusieurs campus sur des projets, de créer un écosystème. Cela dit, la digitalisation des programmes commence déjà à montrer ses limites !

D’autres innovations sont-elles en cours ?

Il faut comprendre que le digital, ce n’est pas que du online. C’est un comportement, qui implique une personnalisation permanente des contenus. Cela suppose un changement de regard sur l’enseignement, avec une approche par les compétences plutôt que le programme. De quelles compétences ai-je besoin pour parvenir à mon objectif ? Un étudiant pourra construire son enseignement brique par brique, avec un accompagnement individualisé.

Quid des relations avec les autres étudiants ?

L’approche communautaire et collaborative est inhérente au digital. Nous devons désormais penser en réseau, en échanges d’expériences et croisement des savoirs. Cela pousse l’étudiant à réfléchir en mode projet, avec les autres, plutôt qu’en simple destinataire d’un enseignement.

Sans parler de l’intelligence artificielle, qui posera de nouvelles questions : quel rôle pour le professeur, pour l’étudiant ? Qu’est-ce au juste qu’un campus ?