L'ENM : une école nationale sélective pour les magistrats

Si les métiers de la magistrature, à savoir ceux de juge et de procureur de la République, diffèrent, il y a néanmoins une constante pour ces fonctionnaires d’élite : un passage obligatoire par la très sélective Ecole nationale de la magistrature (ENM).

Elise COUTANT, 27 ans, substitut du procureur de la République au tribunal de grande instance de Bobigny (Seine-Saint-Denis)
Elise COUTANT, 27 ans, substitut du procureur de la République au tribunal de grande instance de Bobigny (Seine-Saint-Denis)

    Si les métiers de la magistrature, à savoir ceux de juge et de procureur de la République, diffèrent, il y a néanmoins une constante pour ces fonctionnaires d’élite : un passage obligatoire par la très sélective Ecole nationale de la magistrature (ENM).

    Localisée à Bordeaux (Gironde), elle compte également une antenne à Paris et forme aussi bien aux métiers du siège (juge d'instance, d'instruction, des enfants…) que du parquet (avocat général, procureur de la République), des postes occupés à 75 % par des femmes. « La formation est strictement la même et un magistrat peut alterner entre la fonction de juge et de procureur dans sa carrière, note Xavier Ronsin, directeur de l'ENM. Nous ne sommes pas un étage universitaire supplémentaire. Nous sommes une école d'application du droit, et notre pédagogie est une pédagogie d'apprentissage pratique : la gestion du stress, la déontologie, la conduite d'entretiens, comment se comporter lors d'une scène de crime, etc. »

    Trois tentatives possibles pour être reçu

    Alors que la fonction des juges est d’interpréter la loi, d’évaluer les preuves, de contrôler le déroulement des audiences et de rendre des verdicts, le procureur décide d’ouvrir ou non une enquête, qu’il dirige en donnant des prérogatives aux officiers de police judiciaire, et requiert au nom du peuple français les peines des prévenus.

    La proportion de recrutements varie au bon vouloir des arbitrages budgétaires et du ministère de la Justice

    . Depuis le changement de gouvernement, le nombre d’auditeurs de justice admis (les futurs magistrats) va croissant, pour pallier de nombreux départs en retraite : alors que l’on comptabilisait seulement 105 admis en 2010, la promotion 2013 de l’ENM a compté 214 lauréats. « Et nous allons former 276 magistrats pour 2014 », ajoute Xavier Ronsin.

    Bien que chaque promotion compte son lot de recalés (environ 3 % des dossiers), parvenir à intégrer l'ENM est malgré tout quasi synonyme d'emploi à l'issue de la formation de trente et un mois, elle-même rémunérée entre 1 600 et 1 950 € net. Le principal processus de sélection s'effectue donc à l'entrée : depuis 2011, environ 15 % seulement des candidats sont admis. Heureusement, chaque postulant dispose de trois tentatives pour être reçu. « Le concours est difficile, notamment parce qu'il y a un large volet de culture générale, chose qui n'est pas enseignée à l'université », avance Valentine Fouache, directrice du Centre de formation juridique, établissement privé en ligne préparant au concours de l'ENM. Son établissement propose une formation à base de cours vidéo et affiche un taux de réussite autour de 30 %, mais coûte bien plus cher (2 000 €) qu'un passage en classe préparatoire au sein d'un institut d'études juridiques public comme celui de Paris-II, qui fournit entre 30 et 40 % des effectifs de l'ENM.

    3 types de concours d’entrée à l’ENM

    Le premier, le plus prisé, s'adresse aux étudiants de bac + 4 minimum de moins de 31 ans, le second aux fonctionnaires de l'Etat ayant quatre ans minimum d'expérience et le troisième aux salariés du secteur privé ayant huit ans d'activité. Plus rare, il est possible pour les professionnels du droit entre 31 et 40 ans de se faire admettre sur dossier.

    A la sortie, les auditeurs de justice choisissent le poste qu’ils souhaitent occuper en fonction de leur classement et des postes vacants, qu’ils seront contraints de garder trois ans avant de demander une mutation. Un magistrat est rémunéré 2 600 € net en début de carrière. Après six ans d’activité, son salaire passe à 3 600 € net.

    TÉMOIN

    « Je suis sortie 34e d'une promotion de 138 élèves »

    Elise COUTANT, 27 ans, substitut du procureur de la République au tribunal de grande instance de Bobigny (Seine-Saint-Denis)

    La vocation ne lui est pas venue tout de suite. « La magistrature ? Je n'ai su que très tard ce que je voulais faire », avoue Elise Coutant, qui n'a pas emprunté le circuit fac de droit avant d'intégrer l'Ecole nationale de la magistrature. Originaire de Cholet (Maine-et-Loire), elle opte pour une prépa littéraire à Nantes (Loire-Atlantique) à l'issue de son bac scientifique, puis intègre l'Institut d'études politiques de Bordeaux sur concours, où elle passe cinq ans et obtient un master de carrière administrative. Ce sont ses stages dans les tribunaux qui lui mettent la puce à l'oreille. « J'ai d'abord réalisé un stage en cabinet d'avocat puis dans un foyer d'enfants placés, mais c'est au tribunal d'instance puis au tribunal de grande instance que j'ai décidé de passer le concours de l'ENM. J'y ai en effet découvert le travail au quotidien des juges et procureurs. La richesse et l'utilité de leur mission m'ont passionnée.»

    A la suite de ce déclic, elle prend en parallèle des cours à l’Institut des études judiciaires de Bordeaux-IV lors de sa dernière année afin de préparer au mieux l’échéance. Le premier essai est le bon : elle fait partie des 87 lauréats du concours réservé aux étudiants.

    « L’examen est difficile et nécessite quelques sacrifices. Mais le conseil que je pourrais donner, c’est de ne pas se décourager avant d’avoir commencé. Il ne faut pas non plus hésiter à aller au bout des trois chances. »

    En septembre 2013, elle sort 34e d’une promotion de 138 élèves et porte son choix d’affectation sur un poste de substitut du procureur au TGI de Bobigny (Seine-Saint-Denis). « Je souhaitais commencer par un poste au parquet, c’est plus exigeant et plus stimulant pour débuter », détaille Elise Coutant. Sa mission consiste à siéger aux audiences, à diriger des enquêtes et à assurer une permanence téléphonique en liaison avec les commissariats au sein de la section Dapter, qui regroupe les délits routiers, les vols, les viols et les homicides conjugaux.

    Sans tirer de plans sur la comète, elle se laisse la possibilité d’évoluer au parquet au sein d’autres sections, avant pourquoi pas d’emboîter une carrière au siège, voire à l’étranger en tant que magistrat de liaison (qui assure l’interface entre la justice française et celle du pays étranger).

    À LIRE

    « Devenir magistrat aujourd’hui », de Philippe Astruc, Gazette du Palais, 2010, 192 pages. 24 €.

    « Magistrat, catégorie A », de Frédéric Debove, Sirey, 2012, 540 pages. 33 €.

    À CONSULTER

    Ecole nationale de la magistrature : www.enm-justice.fr.

    Ministère de la justice : www.justice.gouv.fr.

    S’Y RENDRE

    Salon de l’emploi public, les 12 et 13 juin au parc des Expositions de la porte de Versailles, Paris (XV e) : http://sep.salons.groupemoniteur.fr.

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