Huissiers de justice : les vocations se multiplient

Ils n’ont pas toujours eu bonne réputation, mais les vocations se multiplient. Autrefois par défaut, après un échec dans la magistrature ou à l’examen pour devenir avocat. Depuis une dizaine d’années, le métier d’huissier est devenu un premier choix. »

Marjory FLAMMERY, 34 ans, huissier de justice à Colombes (Hauts-de-Seine)
Marjory FLAMMERY, 34 ans, huissier de justice à Colombes (Hauts-de-Seine)

    Ils n’ont pas toujours eu bonne réputation, mais les vocations se multiplient. « Autrefois, nos étudiants venaient par défaut, après avoir échoué aux concours de la magistrature ou à l’examen pour devenir avocat », se souvient Jean-Michel Rouzaud, président de l’Ecole nationale de procédure (ENP). « Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Depuis une dizaine d’années, le métier d’huissier est devenu un premier choix. »

    Une évolution qui s’est faite avec celle du métier : si les huissiers ont un rôle d’exécutant des décisions de justice, leurs compétences en droit sont de plus en plus pointues. Ce sont de véritables juristes de proximité, présents sur le terrain. Ils peuvent aller à la rencontre d’un débiteur, à la demande d’un créancier, pour qu’il règle sa dette (qu’il s’agisse d’une entreprise qui fait face à des factures impayées, d’un conjoint qui refuse de payer une pension alimentaire…), mais aussi aller constater une malfaçon sur un chantier, des nuisances de voisinage, une livraison non conforme…

    « On voit défiler toute la société », explique Isabelle Meyer, responsable du centre de formation de l’ENP de Paris .

    « On cherche des solutions, on arrange les conflits…»

    « On est dans la conciliation avant d’être dans l’exécution. Les gens qui ont de grosses difficultés financières se rendent généralement compte que l’huissier n’est pas leur ennemi. Il a un vrai rôle de conseil, ses connaissances en droit permettent de trouver des solutions. »

    Profession libérale (même s’il est possible depuis 2011 d’être huissier salarié), huissier de justice est aussi un métier très encadré. Officiers publics et ministériels, les 3 200 huissiers (pour 1 850 études) ont une mission de service public, et sont à ce titre soumis à une déontologie très stricte et à diverses obligations, comme celle d’une formation continue tout au long de leur carrière.

    Le parcours pour devenir huissier est lui aussi balisé :

    munis d’un master 1 en droit au minimum (mais de plus en plus souvent d’un master 2), les étudiants doivent trouver un stage en étude pour deux ans. Ils suivront en parallèle un enseignement professionnel, une formation, d’une part, auprès du département de formation des stagiaires — axée sur la gestion d’une étude d’huissier — et, d’autre part, dans l’un des centres régionaux de l’ENP — pour apprendre les procédures civiles d’exécution, la rédaction d’actes…

    L’ENP n’est pas obligatoire mais constitue l’unique préparation à l’examen professionnel, organisé par la Chambre nationale des huissiers de justice.

    « Le taux de réussite à l’examen est de 20 à 25 % par session », précise Jean-Michel Rouzaud, soit 115 à 130 nouveaux huissiers chaque année. Des passerelles sont possibles pour ceux qui n’ont pas le diplôme universitaire requis mais justifient d’une expérience professionnelle en étude. Une fois l’examen réussi, l’huissier peut chercher une étude vacante ou des parts à racheter, ce qui est possible sans apport personnel, grâce notamment à la caisse de prêts de la profession. Les revenus des huissiers sont évidemment très disparates, selon l’importance de l’étude, sa localisation…

    « C’est une profession qui permet de bien gagner sa vie, mais qu’on n’exerce pas pour s’enrichir »

    , affirme Jean-Michel Rouzaud. Le revenu net médian est d’environ 4 500 € par mois.

    TEMOIN

    « On ne fait pas que des expulsions ! », Marjory FLAMMERY, 34 ans, huissier de justice à Colombes (Hauts-de-Seine)

    Pour Marjory Flammery, devenir huissier de justice n'était pas une vocation. « Au départ, je voulais être commissaire de police », raconte-t-elle. Après une maîtrise de droit à Paris-Assas , elle se rend à un forum des métiers. « J'ai vu un huissier, il était tout seul parce que tout le monde allait voir les avocats ou les magistrats. J'ai pu discuter deux heures avec lui, il m'a proposé un stage de découverte de deux jours, et ça m'a plu. » Sa décision était prise. Elle a facilement trouvé son stage de deux ans. « J'ai appris beaucoup avec mes patrons. Souvent, dans une étude, ils voient les stagiaires comme ceux qui peuvent prendre la relève, ils sont donc très attentifs à bien les former, aussi bien sur la procédure que sur la déontologie. »

    En 2004, elle passe avec succès l’examen professionnel. « Mais je ne me sentais pas encore prête. » Elle reste donc salariée dans la même étude, comme clerc aux constats, prend le temps d’avoir un enfant, et monte finalement un dossier d’association pour prendre des parts dans l’étude en 2007. Elle prête serment comme huissier de justice en 2008, et rachète trois ans plus tard les parts de l’un de ses deux associés. Ils sont désormais deux, associés à parts égales d’une étude qui compte cinq salariés.

    « Le métier est très diversifié et permet de concilier terrain et compétences juridiques pointues.

    C’est un métier mal aimé, mais c’est parce qu’il est mal connu. On ne fait pas que des expulsions, loin de là, c’est même très rare. »

    Conciliations entre débiteurs et créanciers, constats en tout genre (contrefaçons, nuisances sonores, jeux-concours, diffamation sur Internet…), aide juridictionnelle… et, en parallèle, administration de l'étude. Marjory Flammery a de grosses journées mais ne s'en plaint pas, et prend son rôle très à cœur. « Une PME ou une TPE qui fait face à des impayés peut se trouver dans une situation très difficile, il est indispensable que quelqu'un s'occupe d'appliquer les décisions de justice. C'est important que ce soit fait par des professionnels qui ont prêté serment. » « Notre but n'est pas d'enfoncer les gens qui n'arrivent pas à payer, mais de trouver une solution qui convienne aux deux parties », ajoute-t-elle. Un métier de proximité qui « gagne à être connu », selon elle. Car les huissiers sont présents dans de nombreuses situations du quotidien.

    EN SAVOIR PLUS

    À LIRE

    « Le Travail des huissiers : Transformations d’un métier de l’écrit », de Béatrice Fraenkel, David Pontille, Damien Collard et Gaëlle Deharo, Ed. Octares, 2010, 222 pages. 28 €.

    « Les Métiers du droit et de la justice »,

    Onisep, 2012, 216 pages. 12 €.

    À CONSULTER

    Le site de la Chambre nationale des huissiers de justice : www.huissier-justice.org.

    Ecole nationale de procédure :

    www.enpepp.org.

    Union internationale des huissiers de justice :

    www.uihj.com.

    Ministère de la Justice :

    www.metiers.justice.gouv.fr.

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