IAE d'Aix : Des étudiants en management dans les pas des militaires

Un groupe d’élèves d’un institut formant des cadres a pu s’immerger pendant trois jours dans un camp de l’armée. Objectif : observer comment on commande des soldats. Une véritable tendance.

Crédit photo : Olivier Corsan / Le Parisien
Crédit photo : Olivier Corsan / Le Parisien

    De nos envoyés spéciaux À Draguignan (var)

    textes : Joffrey Vovos / photos et vidéo : Olivier Corsan

    Les tirs résonnent dans la vallée.

    Au loin, sans doute caché derrière les talus, l’ennemi est invisible. Astrid et Helena se tiennent un peu à l’écart, près du véhicule blindé. Elles ont les yeux rivés sur le blessé, touché au thorax par un éclat. Il faut l’évacuer en urgence, sa poitrine saigne. Les ordres du sous-lieutenant Arnaud* fusent. Quelques minutes plus tard, les fusils d’assaut se taisent enfin. « Trois insurgés ont été tués », annonce un soldat.

    Cette scène n’a pas lieu dans un pays en guerre mais dans le sud de la France.

    Très précisément à Canjuers, un terrain militaire près de Draguignan (Var), qui s’étend sur 35 000 ha, l’équivalent de plus de trois fois Paris ! Dans ce paysage de contreforts préalpins, un exercice de commandement grandeur nature se joue depuis jeudi. Il est destiné à parfaire la formation des futurs officiers de l’armée de terre.

    Cohésion de groupe

    Si tout se passe bien, le lieutenant Arnaud, 25 ans, sera opérationnel dès le mois d’août. Il aura alors sous ses ordres une section de quarante soldats. Les réflexes sont déjà bien rodés. Astrid et Helena, qui l’observent attentivement et l’interrogent de temps à autre, ont à peu près le même âge. Elles ont été exceptionnellement autorisées à participer à cette simulation qui va mobiliser plus de 250 militaires jusqu’à la fin de la semaine prochaine.

    Les deux jeunes femmes sont étudiantes à l’IAE d’Aix-Marseille, un institut universitaire qui forme de futurs dirigeants d’entreprise et des cadres en management. Pendant trois jours, elles vont vivre en immersion totale avec l’armée. Objectif : observer comment les militaires commandent leurs hommes et voir ce qui est transposable dans le civil. Leurs autres camarades de promotion — ils sont neuf en tout — portent aussi la veste camouflage et le casque de rigueur. Mais, au milieu des vrais fantassins, on les repère assez facilement à leurs jeans et baskets.

    Les étudiants de l'IAE (l'Institut d'Administration des Entreprises) d'Aix-en-Provence sont venus en stage d'immersion sur le camps militaires de Canjuers dans le Var pour observer les méthodes de commandement pendant des exercices de manoeuvres et les comparer à celles de management en entreprises qu'on leur enseigne.

    « Je ne savais pas à quoi m’attendre. Au final, je ne regrette pas : c’est vraiment une expérience à vivre »

    , s’enthousiasme l’un d’entre eux après seulement quelques heures dans le camp. Drôle de hasard : il s’appelle Arnaud, comme l’élève officier dont il suit la progression. Et il a le même âge, la même formation d’ingénieur. Mais pas vraiment la même envie de servir sous les drapeaux. « Le plus dur, c’est le réveil à 6 heures. Ça pique les yeux », grimace-t-il, après une première nuit dans la base avancée, un baraquement dont les préfabriqués sont équipés de simples lits de camp. « C’est le même type de configuration qu’en Afghanistan », explique le capitaine Jean-Christophe, en charge de l’exercice.

    Histoire de les mettre dans le bain dès leur arrivée, les étudiants de l'IAE ont eu droit, dans la nuit de mercredi à jeudi, à une attaque en bonne et due forme, avec tirs et blessés ensanglantés plus vrais que nature. Le lendemain midi, alors que les températures se sont enfin adoucies, l'aîné de la bande, Rodolphe, 36 ans, longue barbe rousse, tire ses premières conclusions : « Malgré la pression et le stress, les futurs lieutenants analysent très vite la situation. Ils tranchent en ayant pris le temps de la réflexion. En entreprise, il faut avoir les mêmes réflexes. »

    VIDEO. Des étudiants en manœuvre chez les militaires

    « On sent aussi qu’il y a une vraie cohésion de groupe », ajoute sa camarade Astrid, tout en terminant sa ration de survie. « Alors que dans le civil, c’est souvent chacun pour soi », renchérit Rodolphe. Pour Jacques Maisetti, général à la retraite et maître de conférences à l’IAE d’Aix-Marseille, à l’origine de ce stage, c’est un des points importants : « Quand ils dirigeront des services ou des projets, emporter l’adhésion de leurs collègues sera essentiel », souligne-t-il.

    Gros avantage dans l'armée, d'après Helena, qui a déjà passé trois ans chez un sous-traitant d'Airbus dans le cadre de sa formation d'ingénieur en électronique : « Le respect de la hiérarchie. » Un rouage essentiel qui permet de faire face à l'imprévu mais manque souvent, selon elle, dans le civil. « Ici, on ne discute pas les ordres. »

    Le mois prochain, les étudiants de l’institut reviendront à Draguignan et participeront à une nouvelle simulation. « Cette fois, ils seront acteurs puisqu’ils joueront des patrons d’usine pris dans un conflit armé », détaille leur professeur. Une présence qui n’est pas pour déplaire aux militaires. « Au contraire, c’est formateur. En situation réelle, nos élèves devront aussi avoir à gérer des civils », glisse le capitaine Louis, cadre instructeur.

    * Dans le cadre du plan Vigipirate, seuls les prénoms des militaires interrogés nous ont été communiqués.

    Joffrey Vovos

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