Ingénieurs R&D - Des pros de l’innovation pour le sport et les loisirs

Ce secteur fait preuve d’un réel dynamisme. Grands groupes, PME, tous cherchent à tirer leur épingle du jeu en misant sur l’innovation. Solution choisie pour y parvenir : recruter en permanence des ingénieurs passionnés.

Avec son effectif consacré à la recherche et au développement Oxylane se place juste derrière les grands constructeurs automobiles
Avec son effectif consacré à la recherche et au développement Oxylane se place juste derrière les grands constructeurs automobiles

    Un tee-shirt pour la course à pied qui évacue la transpiration et évite les irritations; un ballon de basket pour les enfants à la prise en main facilitée; une toile de tente qui renvoie les rayons du soleil et évite aux campeurs d’avoir trop chaud l’été. Voici trois exemples d’innovations issues en 2011 des bureaux d’études du groupe Oxylane/Décathlon, pour lequel officient près de 1000 ingénieurs.

    «Cet effectif consacré à la recherche et au développement (R&D) place Oxylane juste derrière les grands constructeurs automobiles », remarque André-Pierre Doucet, directeur des études à la Fédération professionnelle des entreprises du sport et des loisirs (FPS).

    L’essentiel des emplois du secteur 58000 salariés dans 1700 entreprises se situe côté vente et distribution.

    Le nombre de personnes travaillant dans la partie industrie est quant à lui estimé à environ 13000. « Dans ce domaine, les postes en fabrication sont en perte de vitesse sur notre territoire, poursuit André-Pierre Doucet.

    En revanche, la R&D occupe une place stratégique. Et si la production est délocalisée, les sociétés recrutent aussi des ingénieurs pour s’assurer de la qualité du travail des sous-traitants à l’extérieur de nos frontières.»

    Ingénieurs : avoir une double compétence

    Qu’elles soient généralistes ou spécialisées dans une seule discipline, les entreprises du secteur s’appuient sur des équipes d’ingénieurs mordus de sport et souvent pratiquants.

    «Chez nos collaborateurs, la passion personnelle pour la course automobile pèse plus lourd que la formation, confirme Raymond Darricarrère, directeur des ressources humaines chez Renault Sport Technologies, où 60 ingénieurs s’activent au sein du département ingénierie. Ils ont parfois fait de la compétition et, pour la plupart, démonté et remonté des moteurs tous les week-ends depuis l’âge de 15 ans. »

    A côté de Grenoble (Isère), Petzl, concepteur de matériel de montagne, attire pour sa part les fondus d’alpinisme. 80 ingénieurs (sur un effectif de 380 personnes) y ont pour mot d’ordre de concevoir, industrialiser et fabriquer des outils et solutions pour permettre aux sportifs de s’engager dans les milieux les plus inaccessibles.

    «Au sein du bureau d’études, nous apprécions les candidats qui ont une double compétence, à la fois métier et pratique de l’escalade

    , de la haute montagne ou de la spéléologie », indique Florence Aurori, responsable des ressources humaines.

    Mais la passion du sport ne fait pas tout.

    « Pratiquer la voile n’est pas un critère de recrutement indispensable », souligne Patrick Jouin, directeur des ressources humaines chez Béneteau.

    Le groupe vendéen, qui emploie 5200 personnes en France, dont 85% pour ses marques de bateaux et 15% pour l’habitat de loisirs (mobile homes et maisons à ossature bois), fait appel aux compétences de 250 ingénieurs.

    150 d’entre eux occupent des fonctions en R & D et 100 assurent le suivi de production.

    «Nous recrutons en moyenne 10 à 15 ingénieurs par an, détaille Patrick Jouin.

    En dehors de quelques spécialités (hydraulique, électricité, bois), nous privilégions les profils généralistes. Le travail s'organise par plates-formes de projets. Pour cela, nous avons besoin de collaborateurs qui sont capables d'encadrer une équipe et de suivre un projet de A à Z, en lien avec le bureau d'études, le marketing, le commercial… » Des ingénieurs qui ont plusieurs cordes à leur arc.

    Ingénieurs : Diplômés et champions

    Thierry Dusautoir, meilleur rugbyman du monde de l’année 2011; Jean-Christophe Péraud, médaille d’argent en VTT aux Jeux olympiques de Pékin en 2008, aujourd’hui cycliste sur route classé 9e du Tour de France 2011; François Gabart, skipper vainqueur de la Transat BtoB (Back to Britanny) en solitaire en 2011.

    Quel est le point commun entre ces sportifs ?

    Ils ont tous mené de front études scientifiques, entraînements et compétitions, et ont tous décroché un titre d’ingénieur.

    A l’Institut national des sciences appliquées (Insa) de Lyon (Rhône), la première section dédiée aux sportifs de haut niveau a été créée il y a trente ans.

    D’autres écoles d’ingénieurs offrent des dispositifs semblables, mais l’établissement lyonnais est celui qui accueille le plus gros contingent de jeunes athlètes. Ils sont aujourd’hui près de 160 à être inscrits à l’Insa de Lyon et répartis dans une quarantaine de disciplines sportives.

    Des profils de leaders

    «Nous proposons un aménagement des études pour permettre de poursuivre des volumes d’entraînement importants, explique Michel Bouvard, responsable de la filière.

    Le premier cycle de deux ans après le bac est étalé sur trois ans. D’autres organisations peuvent être mises en place selon les besoins de chacun. Cours de soutien, tutorat, tout est fait pour favoriser la réussite de nos élèves, qui doivent satisfaire aux mêmes exigences académiques que les autres. »

    Une fois leur diplôme en poche, quelques-uns se consacrent totalement à leur carrière sportive, en bénéficiant parfois du soutien d’une entreprise.

    C’est le cas par exemple de Brice Panel, ingénieur Insa en génie électrique, qui prépare actuellement la course du 800 m pour les Jeux olympiques de Londres, et est employé par ETDE (pôle énergies et services du groupe Bouygues Construction).

    «Les autres, s'ils ne sont plus sur une trajectoire de haut niveau, trouvent généralement un emploi très rapidement, relève Michel Bouvard. Les entreprises apprécient ces profils de leader qui dynamisent les équipes.»

    TROIS QUESTIONS À…

    Quelle catégorie d’ingénieurs travaille pour les marques d’Oxylane ?

    Oxylane est un réseau d’entreprises qui conçoivent et fabriquent des composants et des produits sportifs que nous distribuons dans nos enseignes, dont Décathlon.

    La direction industrielle d’Oxylane emploie des ingénieurs en R & D de composants exclusifs, des spécialistes des méthodes de production, de la qualité, de la supply chain (NDLR : chaîne logistique).

    Environ 1000 d’entre eux sont basés en région lilloise, et à peu près autant sur nos sites de production, répartis dans une vingtaine de pays en Europe, en Asie et au Brésil.

    Des ingénieurs travaillent également pour nos Marques Passion à Lille et dans nos centres délocalisés de Sallanches en Haute-Savoie, Hendaye au Pays basque et Cestas près de Bordeaux.

    Quel est le volume de recrutements annuels et dans quelles spécialités ?

    En 2011, la direction industrielle d’Oxylane en France a recruté environ 200 ingénieurs. Ce volume devrait être sensiblement le même en 2012.

    Pour nos sites de production, nous privilégions l’embauche d’employés locaux, mais nous utilisons aussi largement la formule du volontariat international en entreprise (VIE).

    En 2011, 50 jeunes sont ainsi partis dans l’un des vingt pays d’implantation du groupe pour une période de deux ans à l’issue de laquelle ils pourront être recrutés en CDI.

    Nous pouvons embaucher des diplômés issus d’écoles spécialisées dans les matériaux ou le textile (Ensait Lille, Itech Lyon). Mais nous faisons aussi beaucoup appel à des ingénieurs généralistes (Insa, HEI Lille, Icam, Mines de Douai…).

    Au-delà du diplôme, qu’attendez-vous de vos jeunes ingénieurs ?

    La personnalité prime sur le diplôme. Nous recherchons avant tout des passionnés de sport qui ont l’envie d’entreprendre en équipes.

    Le sens du service est essentiel. C’est pourquoi, un ingénieur en R & D démarre toujours son intégration par un stage dans un magasin du groupe.

    L’occasion pour lui de discuter avec les clients qui utiliseront peut-être demain les technologies qu’il aura développées.

    TEMOIGNAGE

    Tout petit déjà… La passion de Silvan Depeyre pour le sport automobile remonte à son adolescence, quand il bricolait dans le garage de son père, collectionneur de voitures anciennes.

    «J'aurais voulu être pilote, confie-t-il. J'ai vite compris que ce rêve était inaccessible. » Le jeune homme décide d'entreprendre des études d'ingénieur à l'Ecole supérieure de l'énergie et des matériaux (ESEM, aujourd'hui Polytech'Orléans, dans le Loiret), puis enchaîne avec un troisième cycle en gestion des entreprises, « car les doubles compétences sont appréciées», dit-il.

    Entre bureau d’études et circuits

    De fait, à peine diplômé en 2003, Silvan Depeyre est embauché par Renault Sport Technologies (RST), au sein de la direction de la compétition, pour participer au développement de véhicules sportifs hors Formule 1.

    «Je partageais mon temps entre le bureau d’études, l’atelier et les circuits pour les séances de mise au point, décrit-il. Après avoir travaillé sur la Formule Renault 3.5, j’ai été chef de projet développement de la Clio Cup.»

    Un challenge pour le jeune ingénieur qui doit respecter des délais serrés (moins de douze mois) et satisfaire pour la première fois à une exigence de rentabilité alors que jusqu’ici les véhicules de compétition étaient conçus avant tout comme des vecteurs de communication.

    En 2006, Silvan Depeyre rejoint la direction technique de RST qui assure le développement de véhicules sportifs dérivés de la gamme classique.

    «Les projets sont plus éloignés de la compétition, analyse-t-il, mais ils comportent davantage de contraintes : il faut prendre en compte la diversité des profils des conducteurs de voitures de route et toutes les conditions météorologiques possibles, des paramètres limités dans le cas de la compétition.»

    Budgets et équipes étoffés, l’ingénieur gagne en responsabilités. « C’est plus facile au sein d’une structure comme RST d’accéder jeune à ce type de poste pour une rémunération fixe annuelle de 50000 € brut (hors variable). Travailler dans un milieu qui me passionne est un moteur essentiel. »

    EN SAVOIR PLUS

    À CONSULTER

    - Le site de la Fédération professionnelle des entreprises du sport et des loisirs (FPS) délivre des informations sur le marché et diffuse des offres d'emploi.www.filieresport.com

    - Le site de l'association européenne des industriels des sports de glisse (EuroSIMA), qui réunit plus de 80 entreprises, dispose d'un espace emploi. www.eurosima.com.

    - Le site du cabinet de recrutement spécialisé SportCarrière est principalement orienté vers les métiers tertiaires (marketing, logistique, communication…). www.sportcarriere.com.

    Y ALLER

    Salon Inosport, le 14 juin, troisième rencontre annuelle de l'innovation dans le sport et les loisirs à Voiron (Isère). www.inosport.fr

    Dossier réalisé par Laurence Merland

    Article paru dans le Parisien Economie, édition du lundi 04 juin 2012

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