Intelligence Artificielle : les écoles du nouveau monde

Non, ils n’apprendront pas à créer des algorithmes. Mais ils n’échapperont pas pour autant à la technologie.

« L’intelligence artificielle (IA) est sur le point de bouleverser tous les métiers, un manageur ne peut l’ignorer », plaide Renaud Champion, directeur des Nouvelles intelligences d’EM Lyon. L’école a récemment créé l’AIM (Artificial Intelligence in Management) Institute, avec deux centres de recherche, « dédiés à l’IA, son impact sur le business, mais aussi sur les innovations pédagogiques qu’elle permettra », explique-t-il. Les résultats de ces recherches seront bientôt transformés en cours, qui nourriront de multiples disciplines.

Poser les bonnes questions

Un sujet aussi neuf et protéiforme que l’IA ne peut être « enseigné » stricto sensu. L’heure est plutôt à la sensibilisation aux grands enjeux : « Il faut d’abord expliquer ce qu’est l’IA et surtout ce qu’elle n’est pas », formule Olivier Epinette, directeur des formations à IMT (Institut Mines-Télécom) Business School. Chasser les fantasmes, anticiper les impacts sur le rôle du manageur, prendre conscience des problèmes éthiques… « Peu de gens se rendent compte du champ immense qu’ouvre l’intelligence artificielle. La priorité est de comprendre sa structuration et de se poser les bonnes questions », estime-t-il.

L’intelligence artificielle donne aux écoles une double mission. L’enseigner, d’abord, mais aussi l’intégrer dans leur propre fonctionnement. « Comme tout le monde, nous sommes au milieu du gué pour préparer cette 4e révolution industrielle », annonce Vincenzo Vinzi, directeur général de l’Essec.

Les écoles se préparent

Après Cergy, Paris-La Défense, Singapour et Rabat, l’école vient d’ouvrir son 5e site, un brin différent : le Campus numérique augmenté. « Bien plus qu’une simple plate-forme, il sera un lieu de rencontre entre des étudiants du monde entier », espère-t-il. Cours digitalisés, business games, échanges de bons procédés (et de monnaie virtuelle) entre étudiants, classes inversées, peer-learning et peer-evaluation (apprentissage et évaluation par les pairs)… Autant de notions qui sonnent l’avènement d’une ère nouvelle à l’Essec. Pour l’heure, le Campus numérique augmenté est réservé à la formation continue. Ce qui ne saurait durer.

« Nous ne sous-estimons pas l’importance de l’expérience physique des étudiants, qui est pour nous primordiale. Le digital ne remplacera jamais la présence », prévient Vincenzo

Vinzi. La preuve : l’Essec posera en septembre prochain la première pierre de son campus de Cergy, sur le point de vivre une transformation radicale. « Il sera plus ouvert sur la ville et sur le monde, éco-responsable, avec une toute nouvelle tour consacrée à la recherche », détaille-t-il encore. Ou comment penser le monde digital au sein de bonnes vieilles pierres.

CHIFFRE :

1 milliard d’années, c’est le temps cumulé passé en ligne en 2018 à travers le monde. (Source : We Are Social-Hootsuite, Rapport digital 2018)

« La data est le pétrole du XXIe siècle »

3 questions à Patrice Houdayer, Directeur des programmes de l'international, et de la vie étudiante de Skema Business School.

Comment abordez-vous la question de l’intelligence artificielle ?

Personne ne peut prévoir l’ensemble des impacts qu’aura l’IA sur le business, les métiers, nos vies. La data est le pétrole du XXIe siècle. En tant que grande école, nous sommes en première ligne pour nourrir cette réflexion. C’est pourquoi nous avons créé un nouveau laboratoire mondial, le Skema AI Global Lab, qui jouera un rôle d’accélérateur de la transformation numérique sur tous les campus de Skema BS.

Une école de management est-elle le lieu approprié pour parler d’IA ?

Toutes les entreprises le disent : nous devons faire le lien entre différentes compétences. Les manageurs comprennent rarement la technologie, quand les ingénieurs ont du mal à identifier les applications de leurs travaux. Avancer ensemble sur des projets est devenu un objectif prioritaire. Nous lançons cette année un MSc (Master of Science), dirigé par François-Régis Chaumartin, et dont la méthode sera justement de croiser les profils.

L’humain a donc encore sa place ?

Plus que jamais ! La machine peut nous « augmenter », mais ce qu’il lui manque, c’est de la largeur, de la profondeur, sans parler de l’instinct. En tant qu’école, il est de notre devoir de donner aux futurs manageurs les meilleurs outils pour aborder le nouveau monde. Des outils qui s’appellent esprit critique, éthique, créativité… Sans oublier l’intelligence émotionnelle, qui a encore de beaux jours devant elle.