Les auto-écoles en lutte contre la réforme du permis de conduire

Libéralisation. Les députés ont adopté des mesures pour rendre le permis moins cher et pour raccourcir les délais. La profession, furieuse, s’apprête à bloquer les routes.

Les auto-écoles en lutte contre la réforme du permis de conduire

    La démonstration de force dans les grandes villes de France par les syndicats d’auto-écoles fera-t-elle plier le gouvernement sur la réforme du permis de conduire ? L’avenir le dira. En tout cas, les quatre organisations de la profession (Unic, CNPA, Unidec et Fnec) comptent à nouveau frapper fort...

    Débattue la semaine dernière à l’Assemblée dans le cadre du projet de loi Macron, le texte présenté par le gouvernement a pour objectif de réduire les délais d’attente très élevés des candidats à l’examen (40 % d’entre eux patientent plus d’un an entre l’inscription et l’épreuve de conduite), mais aussi de faire baisser le coût devenu quasi rédhibitoire pour beaucoup de jeunes notamment. Selon Bercy, la formation varie entre 1 100 € et 3 000 €. L’enjeu est d’importance puisque chaque année 1,5 million de personnes se présentent pour la première fois à l’examen.

    Revue des points de discorde qui, affirment les professionnels, risquent de détruire 20 000 emplois.

    Des postiers pour pallier le manque d’examinateurs.

    Le gouvernement mise sur cette solution pour le moins décoiffante pour réduire à 45 jours environ (contre 98 actuellement, mais 143 en Seine-Saint-Denis) le délai d’attente entre le 1er et le 2e passage à l’examen. Une mesure « absurde » selon le président de l’Union des indépendants de la conduite, Philippe Colombani. « C’est insultant, pour les 1 200 inspecteurs de considérer que n’importe qui pourrait les remplacer, comme pour les postiers soupçonnés de ne pas assez travailler. » Pour le rapporteur PS de la réforme, Gilles Savary, ce recours aux postiers serait surtout utile dans les « zones tendues ». Le député (UDI) Jean-Christophe Fromantin, auteur en 2013 d’une proposition de loi pour réformer le permis, propose de son côté de confier en partie de cette tâche à des organismes certificateurs privés.

    La suppression du seuil minimal des 20 heures de conduite.

    Elle est prévue pour les élèves « les plus doués » et ceux considérés comme « prêts » pour l’épreuve, afin de « rendre le permis moins cher ». Les gammes de forfaits proposés par les auto-écoles « devront mieux correspondre aux besoins réels » des candidats, indique aussi Bercy. Les écoles de conduite sont nombreuses à anticiper un futur manque à gagner.

    Le recours à Internet pour inscrire et évaluer les élèves.

    « C’est comme un devis, on ne peut demander à un peintre de le faire sans avoir vu l’appartement », explique Frédéric Martinez, directeur du réseau ECF. Tous ces sujets seront abordés demain, mardi, entre ces professionnels et le rapporteur Savary. En attendant le passage du texte au Sénat. Signe du caractère sensible de cette réforme, un comité ad hoc, composé de professionnels et de parlementaires, vient d’être créé pour faire d’éventuelles propositions…

    TEMOIGNAGE

    3 000 € et des mois d’attente Arnaud, 19 ans, a passé trois fois l’examen

    « J’avais toujours l’impression qu’ils voulaient me garder pour me faire faire encore plus d’heures de conduite ! »

    Pour Arnaud, 19 ans, passer le permis de conduire n’a pas été un long fleuve tranquille. Inscrit pour les 20 heures minimales de formation dans une auto-école parisienne en 2013, cet étudiant en BTS de domotique passe et réussit son code en décembre 2013. Jusque-là, tout va bien. Mais lors de l’épreuve de conduite, en février 2014, c’est l’échec. « J’ai calé à un rond-point », consent-il.

    Alors qu’il a déjà effectué ses 20 heures de conduite obligatoires, le jeune homme se voit proposer dix séances supplémentaires (à 50 € de l’heure) pour être fin prêt lors du nouvel examen prévu en septembre, en banlieue parisienne. « Mais avec seulement une heure de conduite sur le lieu même de l’examen, je n’ai pas vraiment été préparé », critique Arnaud, qui essuie alors un deuxième échec. C’est à ce moment-là qu’il découvre qu’il lui faudra attendre mai 2015 pour être à nouveau convoqué. Problème, la date programmée tombe au milieu d’un stage qu’il doit effectuer en Angleterre.

    « Tous ces délais d’attente m’ont énervé. »

    Sans compter l’aspect financier. « Lorsque j’ai demandé à passer un examen blanc à 50 €, l’auto-école m’a facturé 75 € un bilan de compétences pour voir les points à améliorer et m’a mis trois heures de conduite en plus !

    J’ai voulu changer d’établissement, mais aucune des écoles parisiennes contactées ne m’a accepté.

    J’ai eu alors l’idée de passer mon examen à Beaune, en Bourgogne, où des proches pouvaient m’héberger. » Surprise, Arnaud est accepté, moyennant toutefois près de 10 heures de conduite supplémentaires.

    « En province, c'est moins cher (41 €), et surtout, les professeurs sont bien moins stressés ! » Inscrit en novembre, Arnaud a passé — avec succès cette fois — son permis de conduire le mois dernier. Plus d'un an après avoir décroché son code… Le père d'Arnaud, lui, qui a tout financé, a trouvé l'addition finale — 3 000 € — plus qu'amère.

    La loi Macron à l’Assemblée

    Le projet de loi Macron, examiné depuis cinq jours par les députés n’en est encore qu’à mi-parcours. Les discussions se poursuivront donc toute la semaine. La réforme très contestée des professions réglementées du droit (notaires, huissiers, etc.) a pris plus de temps que prévu. Il reste encore aux députés à examiner 985 amendements d’ici à vendredi, date espérée de la fin des débats, pour aboutir à un vote le 17 février. Après le permis de conduire, la semaine dernière, l’ouverture des commerces le dimanche, la réforme des prud’hommes et celle des procédures de licenciement économique risquent encore de donner du fil à retordre au ministre de l’Economie.

    Bruno Mazurier, Catherine Gasté

    Article issu du Parisien du 9 février 2015

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