Les filières sélectives à l'université : le point juridique

Le débat n’est certes, pas nouveau, mais est-il fondé ? Les filières sélectives qualifiées « d’illégales » le sont-elles vraiment ? Quels sont les recours possibles ?

Entrée de l'Université Paris 8
Entrée de l'Université Paris 8

    Le très célèbre syndicat étudiant « UNEF » a rendu, ce mercredi 22 juin, son rapport annuel, dont le thème n’est pas nouveau : les universités françaises pratiquent la sélection. En filigrane de l’enquête : l'accès des bacheliers à l’enseignement supérieur. Le constat est inquiétant selon l’UNEF, à tel point que le syndicat a lancé un programme de recensement des bacheliers en difficulté.

    Le débat n’est certes, pas nouveau, mais est-il fondé ? Les filières sélectives qualifiées « d’illégales » le sont-elles vraiment ? Dans quelles conditions les établissements universitaires peuvent-ils se permettre de sélectionner leurs étudiants ? Quels sont les recours possibles ?

    Si le nombre de bacheliers se fait de plus en plus important chaque année, les universités, elles, font face à une grave crise du fait de leur autonomie budgétaire. Dès lors, cela se traduit par une limitation du nombre d’inscription dans les programmes. Les universités ont recours à plusieurs méthodes pour contenir le nombre d’étudiants, plus ou moins légales.

    Première méthode de sélection : la capacité d’accueil

    Selon le rapport précité, les bacheliers se voient refuser l’accès à 30% des formations universitaires, pour cause de capacité d’accueil trop peu importante. La sélection dans ce genre de formation est la même que pour Admission Post Bac (APB), elle se fait par tirage au sort. Les filières concernées sont très prisées par les futurs étudiants (STAPS, droit, psychologie, sociologie).

    Les universités sont-elles en droit de procéder à ce type de réduction programmée d’effectif dans le cadre de leur mission de service public ?

    L’article L612-3 du Code de l’éducation dispose que « lorsque l'effectif des candidatures excède les capacités d'accueil d'un établissement, constatées par l'autorité administrative, les inscriptions sont prononcées, après avis du président de cet établissement, par le recteur chancelier, selon la réglementation établie par le ministre chargé de l'enseignement supérieur, en fonction du domicile, de la situation de famille du candidat et des préférences exprimées par celui-ci. »

    Le dispositif est alors légal

    , il doit répondre aux conditions mentionnées dans l’article, c’est à dire : une constatation effective des candidatures en excès, un avis du président de l’établissement et une décision du recteur sur les inscriptions.

    Seconde méthode : les « prérequis » des filières dites « sélectives »

    Il s'agit d'exiger des prérequis, et ce, à l'entrée de licences généralistes ou spécialistes, dans un objectif de limitation d'accès à ladite filière. Très prisées par les bacheliers, ces filières font néanmoins l'objet d'intenses débats et de surcroit, dans un contexte où un très grand nombre de bacheliers ne peuvent accéder à ces formations, les exigences à l'entrée de ces cursus sont élevées. Elles peuvent être relatives à un certain niveau en langues étrangères, à un type de mention au BAC ou à une série en particulier.

    Les exemples de prérequis sont nombreux et les universités proposent de plus en plus de ces cursus.

    Alors s'il apparaît logique de pouvoir justifier d'un niveau de langue si le parcours en question en international, ou bien justifier d'un certain niveau académique si le cursus est très exigent et requiert une grande capacité de travail ; est-ce bien légal ?

    L’article précité, à savoir L612-3 du Code de l’éducation, dispose en son premier paragraphe que « le premier cycle est ouvert à tous les titulaires du baccalauréat et à ceux qui ont obtenu l'équivalence ou la dispense de ce grade en justifiant d'une qualification ou d'une expérience jugées suffisantes », l’article rajoute même que « Tout candidat est libre de s'inscrire dans l'établissement de son choix, sous réserve d'avoir, au préalable, sollicité une préinscription lui permettant de bénéficier du dispositif d'information et d'orientation dudit établissement ».

    Le troisième paragraphe de l’article L612-3 prévoit explicitement que la sélection est prohibée. Il précise que la seule sélection possible, au premier cycle, se fait selon les modalités prévues par le Ministre chargé de l’enseignement supérieur « pour l'accès aux sections de techniciens supérieurs, instituts, écoles et préparations à celles-ci, grands établissements ».

    Ces pratiques de filières sélectives sont illégales

    car elles contreviennent au texte précité. Tous les bacheliers peuvent s’inscrire dans l’établissement de leur choix, à des conditions qui ne sont pas celles, exigeantes, de ces filières. De plus, l’inscription à la plupart des filières sélectives se fait hors APB, c’est à dire que la condition de participation au dispositif d’information et d’orientation, appelée « orientation active » n’est même pas respectée.

    Cas particulier

    Paris Dauphine : l'exception.

    Reconnue en 2004 comme « grand établissement », cette université a pu récemment, par son statut à part, rejoindre la Conférence des grandes écoles. Elle peut fixer librement ses frais d’inscription et sélectionner les étudiants selon un relevé de notes du lycée.

    Une sélection légale au second cycle

    L’accession au second cycle universitaire fait l’objet d’une disposition différente. En effet, en vertu de l’article L612-6 du Code de l’éducation, outre l’exigence logique de faire la preuve de l’obtention du premier cycle, la sélection au niveau dit Master peut se faire par concours, par l’examen du dossier du candidat ou encore en fonction de la capacité d’accueil de l’établissement. Des recours sont possibles si le Master en question ne bénéficie pas d’un décret l’autorisant à sélectionner les élèves et qu’il apparaît qu’une sélection sur les critères de l’article L612-6 est effectuée.

    Bien que le procédé soit illégal au premier cycle, les universités se défendent au nom du « bon sens », en exprimant qu'une certaine forme de sélection est fondamentale, ne serait-ce que pour des questions de cohérence de parcours scolaire (un étudiant de série littéraire peut difficilement justifier son projet de licence en mathématiques par exemple). Dès lors, pour régulariser la situation des universités et couper court aux débats, peut-être serait-il temps d'élaborer un projet de loi ou une proposition de loi pour réformer l'enseignement supérieur.

    Que faire en cas de refus suite à une sélection à l’entrée d’une filière ?

    Le refus est, dans tous les cas, une décision administrative. Comment faire, alors, pour la contester ? Vous avez la possibilité de demander une révision ou de contester la décision en effectuant :

    Un recours gracieux :

    Il s’adresse à la personne qui a pris la décision contestée, il s’agit d’un recours assez informel. Exemple : le Président de l’Université en cause

    Un recours hiérarchique :

    Il s’adresse au supérieur hiérarchique de l’administrateur qui a pris la décision. Ce recours peut se faire après avoir la décision du recours gracieux, si celle-ci s’avère négative.

    Chaque recours doit obtenir une réponse dans un délai de deux mois. Au delà, le silence de l’administration vaut acceptation, et ce depuis le 12 novembre 2014. Les inscriptions en premier et second cycle universitaires figurent bien sur la liste des procédures pour lesquelles le silence de l’administration vaut accord, elle est disponible sur le site internet "Légifrance".

    Dans les cas où le recours administratif devant l'université se révèle infructueux, l'élève peut former, dans un délai de deux mois à compter de la date de la réponse de l'administration, un recours en excès de pouvoir devant le Tribunal administratif. La procédure y est bien plus formelle, et les délais sont fondamentaux quant à la recevabilité de l'action. Il est fortement conseillé d'obtenir l'aide juridique et l'assistance d'un avocat pour ce type de procédure.

    Enfin, il existe une solution alternative aux différents recours administratifs : vous avez la possibilité de faire appel à un médiateur de l'Éducation nationale. Les médiateurs sont répartis au niveau des différentes académies. La saisine de ces autorités est gratuite, elle se fait par courrier par un formulaire ou bien par e-mail sur le site internet de l'Éducation nationale.

    Condition pour avoir accès au médiateur : avoir déjà effectué un recours gracieux ou hiérarchique.

    Attention, la saisine du médiateur ne suspend pas le délai en vigueur pour effectuer un recours en excès de pouvoir devant le tribunal administratif !

    Cet article est rédigé par LegaLife : site proposant un accompagnement juridique simple et accessible aux TPE/PME et aux particuliers. Cette solution permet à leurs membres de gagner du temps et d'économiser de l'argent face à leurs problématiques juridiques.

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