Les profs aussi sont fâchés avec l'orthographe

Le sujet est tabou. De plus en plus d’enseignants ont de grosses faiblesses en français.

 Les enseignants tombent également dans les pièges de la langue de Molière.LP/ARCHIVES
Les enseignants tombent également dans les pièges de la langue de Molière.LP/ARCHIVES

    C’est un participe passé non accordé, un pluriel boycotté, un verbe mal conjugué ou un nom commun massacré. Des fautes vont se glisser, ici ou là, dans des bulletins du premier trimestre remis, ces prochains jours, aux parents d’élèves. Toutes ne seront pas des étourderies.

    La baisse du niveau d'orthographe ne concerne pas que les écoliers. Certains enseignants, qui pour beaucoup fréquentaient les bancs de la fac il y a encore quelques années, tombent également dans les pièges de la langue de Molière. « C'est un sujet sensible. Difficile de dire à un collègue : T'as fait une faute », confie un prof de gestion dans un lycée de Seine-Saint-Denis.

    A l'instar de toute une génération, ces nouveaux instituteurs, professeurs de maths ou même… de français sont parfois fâchés avec certaines règles. Ils ont grandi avec les textos, mais sans dictée quotidienne, à une époque où l'orthographe ne compte guère dans la notation et où l'enseignement des fondamentaux est en recul. Et ce n'est pas parce qu'ils tiennent une classe aujourd'hui qu'ils sont immunisés contre les erreurs de grammaire.

    Une perte brutale de crédibilité

    Le site Bescherelle ta mère met régulièrement à l'honneur leurs perles. « A chaque fois, cela suscite énormément de commentaires. Il y a ceux qui disent : Ça ne sert à rien de leur taper sur les doigts, ils ont 40 copies à corriger ! Et d'autres qui lâchent : C'est une honte  ! » observe Sylvain Szewczyk, auteur du livre « Je t'apprends le français bordel ! » (Flammarion).

    Pour les parents, la faute dans un énoncé d'exercice, dans le carnet de correspondance ou dans l'appréciation d'un devoir est impardonnable. Une perte brutale de crédibilité. A leurs yeux, maîtres et maîtresses doivent être des modèles. « Etre exigeant avec un prof, ce n'est pas trop lui demander. Mais le condamner au bûcher parce qu'il y a une coquille, là, faut arrêter !  » martèle Karine Lamoureux, secrétaire nationale chargée de la formation au syndicat des enseignants de l'Unsa.

    Vu par les parents - « Un jour, j’ai écrit Oh dans le cahier »

    Delphine attribue un 20/20 en orthographe aux profs de ses trois enfants, âgés de 10 à 13 ans. A tous, sauf un, ou plutôt une, à qui elle attribue un 0 pointé.

    « C’est une remplaçante que ma fille a eue en CE 2. Les petites fautes d’oubli, je veux bien accepter, on en fait tous. Mais là, c’était des fautes monumentales, systématiques, d’accord avec le féminin ou le pluriel. En conjugaison, on n’était pas loin du Si j’aurais su, j’aurais pas venu. On aurait cru qu’elle sortait du CP », raconte cette quadra parisienne. « L’orthographe l’a totalement décrédibilisée. Je me disais : Mais qu’est-ce qu’elle va enseigner à ma fille ! Heureusement, tout cela est remonté aux oreilles de la directrice qui s’en est alors vite séparée », souffle-t-elle.

    Laurence, mère de deux enfants dans le Val-d’Oise, est parfois tombée sur des coquilles dans les bulletins.

    « Mais ce que je remarque aussi, c’est que les profs ne corrigent plus ou oublient des fautes, notamment dans les rédactions », constate-t-elle.

    Matthieu, lui, était dépité quand l’institutrice de CM1 corrigeait les fautes de son fiston en y ajoutant… de nouvelles fautes !

    « Un jour, je n’ai pas pu m’empêcher, j’ai écrit Oh ! dans le cahier à côté de l’une de ses erreurs », sourit-il.

    Julie, aussi, n’a pas hésité à « corriger les fautes ostensiblement ». Elle avait du pain sur la planche

    , entre « les accords de participe défectueux » et « la grande confusion entre futur de l’indicatif et conditionnel présent » de la maîtresse officiant dans une école privée.

    Il arrive que la FCPE, Fédération des conseils de parents d’élèves, soit sollicitée par des membres indignés. « Cela existe, oui, mais de manière très ponctuelle », précise sa présidente, Liliana Moyano, qui plaide pour « un renforcement de la formation des enseignants ». Du côté de la PEEP, on préfère ne « pas commenter le sujet » hautement sensible.

    Vu par les élèves - « Ce sont des humains, c’est normal »

    À la sortie des classes de cette cité scolaire parisienne, la plupart des collégiens et lycéens ont déjà vu l’un de leurs profs commettre une faute d’orthographe.

    « Mais, généralement, c’est une erreur d’inattention ou de frappe  », relève une terminale ES. « Ou c’est parce qu’il est en stress. Moi, j’avais un vieux prof de français, quand il se prenait la misère par les élèves, quand il n’était pas à l’aise, il enchaînait les fautes  », assure un garçon en 2de.

    « On a un prof de maths qui oublie les s. Quand on lui dit, il répond : Moi, je ne suis pas prof de français ! Mais bon, ses fautes ne sont pas énormes, cela ne me choque pas. Et je sais qu’il a fait de bonnes études  », juge la demoiselle en terminale ES.

    « C’est plus gênant quand il confond est et et », s’étonne une camarade en 1re. Généralement, l’auditoire pardonne les défaillances.

    « Ce sont des humains, tout le monde fait des fautes, c’est normal  », répète un 4e.

    Certains élèves n’osent d’ailleurs pas les signaler. « Par politesse  !  justifie un 3e. Si je disais à mon prof de techno qui met er alors que c’est un participe passé : Monsieur, vous ne savez pas écrire, ça serait un manque de respect.  » Pour ceux qui s’aventurent à faire remarquer à l’enseignant qu’il s’est trompé, la mission peut être risquée. « Une fois, une élève a corrigé la prof qui avait écrit quelle au lieu de qu’elle. Eh ben, la prof s’est embrouillée avec elle alors qu’elle avait tort  », jure une petite bande de lycéens. Même expérience vécue par une fille de 5e avec une prof d’histoire-géo fâchée, notamment, avec l’adjectif « additionnel  » devenu « aditionel  ». « Je lui ai dit : Madame, vous avez fait une faute. Elle m’a répondu : Toi, je t’en parle de ton contrôle…  »

    Vincent Mongaillard

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