« On peut très bien réussir dans sa vie sans être cadre ! »

A la tête de Randstad intérim depuis 2009, François Beharel, 43 ans, appelle à plus de souplesse sur le marché du travail.« Il faut aller plus vite, plus fort, plus loin », estime le président du numéro deux de l’intérim en France.

FRANÇOIS BEHAREL, 43 ans, président du groupe Randstad France
FRANÇOIS BEHAREL, 43 ans, président du groupe Randstad France

    A la tête de Randstad France depuis 2009, François Beharel, 43 ans, appelle à plus de souplesse sur le marché du travail.« Il faut aller plus vite, plus fort, plus loin », estime le président du numéro deux de l’intérim en France.

    En France, le chômage a stagné en mars puis est reparti à la hausse en avril. Qu’en pensez-vous ?

    On ne peut que se réjouir d'un ralentissement de la croissance du chômage. Mais, malheureusement, il n'y a pas d'inversion de la courbe ! Pour créer des conditions de retour à la création d'emploi, il faudrait une croissance du PIB supérieure à 1,5 %. Le marché du travail dans l'Hexagone est très contraignant pour les entreprises. A cela s'ajoutent des cycles économiques de plus en plus courts et de plus en plus accidentés. Dans ces conditions, il faut beaucoup de vertu aux entreprises pour se risquer à embaucher massivement.

    Comment se comporte l’intérim ?

    Il était en mars à - 2 % contre - 2,7 % en janvier selon le baromètre Prism’emploi. Malgré un léger mieux, il reste donc clairement à la baisse… L’intérim étant un des premiers indicateurs de la situation de l’emploi, les perspectives méritent prudence.

    Quel est le profil type de l’intérimaire ?

    A 72 %, c’est un homme et, à 45 %, il a moins de 35 ans. Il est jeune et faiblement diplômé. Outre un salaire, l’intérim lui permet très souvent de se former. D’ailleurs, 20 % des intérimaires trouvent un emploi durable en moyenne au bout d’un an. Il faut aussi savoir que pour 10 % d’entre eux, c’est un choix de vie.

    Quels sont les besoins des entreprises ?

    Elles veulent pouvoir se battre à armes égales avec leurs concurrents sur le marché mondial. Elles cherchent à augmenter leurs marges brutes et, pour cela, il leur faut davantage de souplesse.

    La réforme du marché du travail va-t-elle dans le bon sens ?

    Oui, mais il faut aller plus vite, plus fort, plus loin ! Je suis bien sûr favorable aux contrats aidés, qui permettent de soutenir les jeunes et les seniors, qui sont les plus touchés par le chômage. Mais cela reste un traitement social du chômage et cela ne réglera pas le problème sur le fond. Plaçons le secteur privé au cœur de la réforme. Un contrat aidé dans le public débouche à 40 % sur un emploi stable alors que dans le privé on atteint les 70 % !

    L’économie de 50 milliards d’euros annoncée par le gouvernement n’est donc pas suffisante ?

    Non, même si, là encore, cela va dans le bon sens. Les aides ne sont pas un cadeau aux entreprises, elles permettent seulement de combler en partie notre écart de compétitivité avec les pays voisins. Alors que notre enjeu, c’est de les dépasser. Il faudrait viser beaucoup plus que ces 50 milliards. Nous avons besoin d’une réforme en profondeur et il est urgent d’aller plus loin dans la réduction des charges des entreprises afin de leur redonner de la confiance. Car elles seront alors plus compétitives et se remettront à embaucher. Il faut parallèlement maintenir notre modèle social qui est très généreux mais à bout de souffle puisqu’il n’est plus financé.

    Quels sont les secteurs en forme ?

    L’industrie est assez stable, tirée notamment par l’automobile et l’aéronautique. Le commerce aussi se porte bien, en particulier la vente en ligne. En revanche, le BTP souffre, tout comme les services.

    Existe-t-il des métiers qui recrutent mais qui peinent à trouver des salariés ?

    Oui, toujours. Malheureusement ! Il y en a une cinquantaine et ce, malgré notre taux de chômage élevé. C’est là le paradoxe français. Prenez des métiers comme soudeur, plombier, grutier, zingueur, les entreprises ont du mal à trouver les ressources humaines nécessaires. Idem dans le médical avec les infirmières. Le problème, c’est qu’on ne communique pas assez sur ces métiers. Pis, certaines formations diplômantes comme celles de soudeur ou tuyauteur ont tout simplement disparu des programmes scolaires. Certaines entreprises se retrouvent alors obligées de former elles-mêmes leurs salariés. De même, nous nous retrouvons, nous, Randstad, entreprise du secteur privé, à promouvoir ces métiers. J’invite l’Education nationale à informer les étudiants sur les métiers où existent de vrais débouchés.

    Que préconisez-vous ?

    Nous demandons à ce que, pour chaque formation, tous les jeunes mais aussi leurs parents soient informés, à la sortie de l'école, avec des données précises sur les débouchés, les salaires puis cinq ans après, par exemple. En France, la formation généraliste est idéalisée, souvent à tort. Il faut la désacraliser et revaloriser la formation professionnelle. Il faut que les gens sachent que l'on peut très bien réussir dans sa vie sans être cadre ! Chez Randstad, nous réalisons tous les ans un baromètre des salaires de non-cadres à partir de 1,4 million de fiches de paie de nos intérimaires. Il en ressort par exemple qu'un chef de chantier gagne en moyenne environ 2 000 € brut par mois.

    Quelles sont les priorités pour l’emploi ?

    Même si le Français est très attaché à son entreprise et peu enclin à déménager, il faut favoriser la mobilité géographique et sectorielle. Il est en effet primordial de développer le transfert des compétences d’un secteur à un autre. Pourquoi un soudeur dans l’automobile ne pourrait-il pas souder les ailes d’un Rafale ? C’est ce que nous avons mis en place en créant une passerelle de formation entre l’automobile et l’aéronautique, qui a malheureusement rencontré trop peu de succès par manque de candidats.

    Quels sont les enjeux pour Randstad ?

    Nous continuons à innover pour nous renforcer. Pour les grandes entreprises, nous avons par exemple lancé le concept d’agences « hébergées ». Ce n’est plus l’entreprise qui vient à nous, c’est nous qui nous installons chez elle. Ce qui nous permet d’être plus efficaces car plus réactifs. Par ailleurs, vis-à-vis des PME, nous avons mis le curseur sur le recrutement en CDI, un autre pan de notre métier depuis que la loi Borloo de 2005 nous l’autorise. Il est fondamental car les PME sont les premières à embaucher quand l’économie repart !

    Sandrine Bajos

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