Logement étudiant. On va échanger nos étudiants !

L’été, c’est une course au logement qui s’engage pour tous les jeunes contraints d’aller étudier loin de chez eux. Un nouveau site collaboratif permet aux familles de se prêter les chambres de leurs enfants.

Logement étudiant. On va échanger nos étudiants !

    Comme des milliers de parents en ce moment, Franck croise les doigts… et fait ses comptes. Axel, son fils de 19 ans, a passé les oraux des grandes écoles d’ingénieurs et s’apprête à quitter le nid familial à Nantes. Si tout va bien, il s’installera en septembre en région parisienne.

    Pour éviter de se ruiner dans la location d'une studette inconfortable et hors de prix, Franck a pris les devants : il s'est inscrit sur un site… d'échange de chambres d'enfants entre familles. En clair, Axel sera logé gratuitement dans une famille à Paris. En échange, Franck, sa femme et son plus jeune fils s'engagent à accueillir chez eux, gratuitement, un autre étudiant, dans la chambre laissée libre par leur aîné.

    Un système collaboratif d'échanges de logement

    Ce système collaboratif d’échanges de logements, qui se développe depuis quelques années dans le domaine des vacances, fait son entrée sur la scène étudiante, par l’intermédiaire d’une start-up nantaise, StudyEnjoy.

    Pour l'instant, le site en développement affiche des statistiques modestes : il compte 600 inscrits comme Franck et une centaine de propositions de chambres. Mais, dopé par le succès fulgurant, d'autres start-up du même acabit, comme Airbnb, le directeur de StudyEnjoy, Frédéric Gibert, espère atteindre rapidement le seuil des 15 000 membres, qui permettra, selon ses calculs, de satisfaire un grand nombre de demandes. « On sait que le logement représente plus de la moitié du budget des étudiants, argumente-t-il. Ce système gratuit va forcément intéresser beaucoup de monde, d'autant plus que les jeunes sont de plus en plus nombreux à faire des stages dans une autre ville que celle de leurs études, ou à partir pour des séjours à l'étranger de quelques mois. Ils ne peuvent pas assumer deux logements en même temps. »

    C’est exactement ce qui arrive à Enora, étudiante bordelaise qui cherche un stage dans une agence de publicité pour l’année prochaine. Lors de son dernier stage parisien, cet hiver, elle avait opté pour une location chez l’habitant, mais a vite déchanté.

    « La personne chez qui je logeais était tout sauf conviviale, c'était évident qu'elle louait uniquement pour l'argent et je ne me sentais pas à l'aise chez elle », raconte la jeune femme. Enora espère trouver son bonheur avec StudyEnjoy. Elle vient de proposer aux membres son petit studio bordelais, en espérant trouver à son tour une offre de logement alléchante à Paris. « Avec ce système, je pourrai retrouver mon appartement que j'aime tant à la fin de mon stage, se réjouit-elle. Et le fait qu'il n'y ait pas d'argent en jeu garantit qu'on sera dans l'échange avec mes hôtes. Je tomberai forcément sur des gens qui ont le même intérêt que moi pour les projets collaboratifs. »

    Sur le site, les membres doivent renseigner un profil très complet, en laissant aux administrateurs la copie de plusieurs pièces d’identité, mais aussi une description détaillée du logement. Ces méthodes, qui garantissent la fiabilité des promesses d’échanges, ont achevé de convaincre Franck, intéressé par le concept, autant pour son aspect financier que pour son côté sécurisant. « On sera rassurés de savoir notre fils dans une famille plutôt que seul à Paris, ajoute-t-il. Il sera intégré à une maison, avec une vraie vie de famille. Ce qu’on veut pour notre enfant, on le fera aussi pour celui ou celle qui arrivera chez nous. »

    L'échange de logement : comment ça marche

    Le principe de l'échange de logements fait florès sur Internet. Certains sites, comme Switcharound ou Swapnfly, ciblent déjà les étudiants. StudyEnjoy, le petit nouveau dans le circuit, propose plus spécifiquement d'échanger leurs chambres chez leurs parents.

    Le principe : Le nouvel inscrit accède aux offres disponibles à condition de proposer lui-même un hébergement. L’échange n’est pas réciproque : un étudiant parisien pourra, par exemple, être accueilli à Bordeaux, sa propre chambre sera occupée pendant ce temps par un Brésilien, qui lui-même hébergera une tierce personne à Rio…

    Le tarif : L'échange est gratuit : il n'y a pas de loyer à payer. Mais les membres peuvent demander une contribution aux charges de la maison et, éventuellement, à la préparation des repas. A chaque fois, les membres se mettent d'accord entre eux sur les modalités de l'hébergement. Le site StudyEnjoy prend de son côté une commission de 0,79 € par jour d'échange à la personne hébergée.

    Les garanties : Les membres se présentent et remplissent une description précise de leur logement, avec des photos. Ils doivent aussi fournir à StudyEnjoy une copie de deux pièces d’identité. Pour l’instant, le site compte encore peu d’annonces. Ses membres pionniers devront donc s’armer de patience, avant que la « communauté » soit assez nombreuse pour avoir du choix et devenir efficace.

    « Adoucir le départ de la maison de son propre enfant » Stéphane Hugon, sociologue

    Stéphane Hugon, docteur en sociologie, dirige l’institut Eranos, un cabinet de conseil sur les imaginaires sociaux. Il s’intéresse de près à l’économie collaborative et aux nouveaux modes de vie et de consommation.

    StudyEnjoy propose aux étudiants d’échanger leurs chambres et, avec elles, leurs familles. Cela répond-il à une tendance ?

    Stéphane Hugon. Oui. Il y a une valeur affective dans le fait d'échanger sa chambre, et c'est ce que recherchent beaucoup de consommateurs aujourd'hui. C'est la promesse de s'inscrire dans du collectif. On crée avec ses hôtes une relation singulière, dans laquelle on n'est pas jugé, on reconstitue un rythme de vie.

    Il y a aussi un intérêt financier, non ?

    Evidemment. Toutes les solutions qui permettent de comprimer les coûts sont intéressantes pour les étudiants, d'autant plus que les loyers, à Paris notamment, sont exorbitants. L'échange correspond bien aussi au nouveau mode de vie des jeunes, qui restent de moins en moins longtemps dans leur ville d'étude. Ils partent parfois au bout d'un semestre, un trimestre pour leur stage, par exemple, ou bien ils regroupent leurs cours pour ne passer que quelques jours par semaine sur leur lieu d'étude. Le bail classique ne correspond pas à ces pratiques.

    Pour les familles, quel est l’intérêt d’accueillir un jeune inconnu ?

    Cela peut leur permettre d’adoucir le départ de la maison de leur propre enfant, en retrouvant un rôle, certes différent. C’est aussi une manière fantasmée de voir ce que fait son enfant quand il n’est pas là, à travers le quotidien d’un autre qui vit chez soi.

    Christel Brigaudeau

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