Oraux d'admission : en immersion dans une école de commerce.

Dans la peau d’un juré de concours - lors des oraux d'admission, comment un jury évalue la motivation, personnalité, projet des candidats aux écoles de commerce. L'occasion de percer les secrets des meilleurs candidats.

Oraux d'admission : en immersion dans une école de commerce.

    Toute une journée, notre journaliste a fait passer l’oral à des étudiants postulant à l’école de commerce de Strasbourg. L’occasion de percer les secrets des meilleurs candidats.

    Strasbourg (Bas-Rhin) - De notre envoyée spéciale

    Ils ont trimés pendant deux ans après leur bac dans des classes préparatoires pour vivre ce moment : passer (et réussir) les oraux finaux d’admission aux grandes écoles de commerce, qui leur garantiront un diplôme reconnu, et surtout un emploi quasi assuré à la sortie de leur master.

    De toute la France, jusqu’à la mi-juillet, des milliers d’admissibles, qui ont réussi la première phase des concours écrits, défilent aux oraux de ces « business schools » de Paris, Bordeaux, Grenoble, Rennes, elles-mêmes en concurrence pour repérer les meilleurs élèves et les garder…

    Mais qu’est-ce qui fait un « bon » candidat ?

    Que valent ces entretiens de « personnalité », où rien d'autre ne compte que le « savoir-être » des élèves, leur capacité à émouvoir ou surprendre un jury forcément subjectif ? Pour le comprendre, nous nous sommes glissés le temps d'une journée dans les coulisses de l'Ecole de management de Strasbourg, classée dans le top 20 des grandes écoles de commerce, comme membre du jury. Récit.

    8h00 - « Be curious, be alive, be cyclette »

    Une petite centaine d'admissibles tirés à quatre épingles viennent de s'asseoir dans l'amphi. L'heure de leur oral approche, leur stress s'entendrait presque. Les garçons sont raides dans leur costume. Aux pieds des filles dansent encore quelques étiquettes de prix, oubliées sous la semelle de leurs escarpins tout neufs. Le contraste est saisissant avec les enthousiastes « staffeurs », ces élèves de première année chargés d'organiser l'accueil des admissibles, qui tourbillonnent autour d'eux en tee-shirt rouge, dansant pour détendre l'atmosphère et surtout faire la promotion de leur école. Un an et un concours réussi les séparent. Comme toute marque, l'EM a un slogan — « be distinctive » (soyez singuliers, en français) —, appuyé par un spot de pub où l'on voit des jeunes foncer vers le succès avec une mine radieuse, et ces mots : « be curious », « be alive », « be cyclette », clin d'oeil à la ville de Strasbourg, où le vélo règne en maître. « On va vous parler de l'international dans toutes les écoles, mais ici, vous allez partir une année entière, pas juste un semestre », insiste Marie Pfiffelmann, la directrice des études, avant d'embrayer sur le statut de l'école : publique à 8 500 € l'année et adossée à la faculté, « comme Harvard ». N'en jetez plus !

    9h00 - « Si vous avez un bon candidat, mettez 20/20 »

    Pour faire passer les entretiens de personnalité à ses 2 629 candidats, l’administration fait appel à ses professeurs mais aussi à des chefs d’entreprise, des enseignants de classes préparatoires et des hôtes extérieurs, des journalistes par exemple. Chaque juré vient gracieusement et signe une charte dans laquelle il s’engage à ne discriminer personne et à respecter les trois valeurs de l’école : éthique, diversité, développement durable. On nous suggère d’interroger les élèves sur ces principes et à ne pas s’appesantir sur leurs connaissances scolaires, « testées par ailleurs pendant les écrits », nous dit-on.

    On nous incite à la bienveillance : « remerciez l’étudiant à la fin. Il faut lui donner envie de venir.

    Si vous avez un bon candidat, mettez 20/20. » Il ne s’agirait pas de laisser partir une perle rare notée trop sévèrement... Aujourd’hui je verrai douze admissibles, quatre filles et huit garçons.

    11h00 - « Vous connaissez Nam June Paik ? »

    Tous issus de classes préparatoires, les candidats sont rompus à l’exercice des oraux. Même sous pression, ils n’en laissent rien paraître. A Strasbourg, les élèves doivent présenter une passion qui les anime, avec un objet à l’appui, point de départ à un échange de 25 minutes. Frédéric a apporté un camion porte-voitures Majorette, jouet reçu quand il avait 3 ans, à l’origine de son goût immodéré pour l’automobile. Margot, danseuse de hula-hoop, tentera une démonstration avec trois cerceaux entre les tables de la salle de classe.

    La palme de l’originalité revient à Kader, le seul à afficher son amour pour… la littérature.

    Il lit un poème de sa composition, « une épopée inspirée des chants homériens », précise-t-il. Des formules bateau Mais le plus souvent, l’objet fétiche est un maillot : rugby, foot, basket… D’un jeune à l’autre, les métaphores sportives se suivent et se ressemblent, assorties de formules bateau : « le sport apporte de la persévérance », dit l’un, « j’aime me surpasser », affirme un autre. Mon collègue examinateur, consultant à la ville, tente de rompre la monotonie : « Vous connaissez Nam June Paik ? » demande-t-il au jeune Pierre* qui veut voyager en Corée du Sud. Un ange passe. « C’est un grand artiste sud-coréen, je vais vous montrer une oeuvre… » poursuit- il, jovial, en empoignant sa tablette. « Ah oui, c’est joli », se force Pierre devant l’image d’une installation faite d’un assemblage de télévisions.

    15h00 - « Je veux lui donner sa chance »

    Mon jury de l’après-midi s’est étoffé : nous sommes trois, dont une chef d’entreprise également intervenante dans l’école, et une enseignante de classe prépa venue de la région parisienne. « Si un candidat ne fait pas l’affaire, on met 8/20, l’entre-deux ne sert à rien », conseille la présidente du jury. Nos notes du matin filaient en pente plus douce : 19, 15, 12… Injustice ? « Non, c’est l’exercice qui veut cela : la diversité des jurés fait aussi celle des candidats », argumente le directeur, Herbert Casteran.

    Ce candidat un peu maladroit, à la cravate de travers, rafle la mise : 20/20.

    « Il n’a pas la patine des élèves classiques de classe prépa, mais on voit son envie, sa capacité à écouter, il apprendra vite, s’enthousiasme ma voisine de table. C’est une pépite. » A l’inverse, malgré un CV en or, une étudiante déçoit : elle a le plus grand mal à expliquer son souhait de travailler dans une grande entreprise. « Quel manque de maturité », se désole le jury à l’unisson. Verdict ? 8/20.

    « Les candidats ne connaissent rien au monde du travail et ce n’est pas grave, précise la présidente du jury. Mais il faut une envie, un projet. » Ce jeune homme n’en manque pas : sa singularité est si forte qu’elle divise le jury. « Je ne le vois pas du tout dans une école de commerce », plaide l’une des examinatrices. « Mais au contraire, ce serait dommage de se priver d’une telle personnalité ! » contre l’autre. On reprend les barèmes, on jauge et négocie. Il aura 16. Ça passe.

    * Tous les prénoms ont été changés.

    Christel Brigaudeau

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