Redoublement : pourquoi et comment revient-il ?

Le Conseil supérieur de l’éducation examine aujourd’hui un projet d’arrêté qui remet en selle le redoublement, rendu très rare par le précédent gouvernement. Décryptage.

La France est l'un des pays où le taux de redoublement était le plus élevé en 2009. Il a considérablement baissé depuis quelques années.LP/AURELIE LADET
La France est l'un des pays où le taux de redoublement était le plus élevé en 2009. Il a considérablement baissé depuis quelques années.LP/AURELIE LADET

    Ce n’est pas un projet, c’est un totem, qui passe ce matin devant le Conseil supérieur de l’éducation (CSE).

    Sur les pupitres de cette instance consultative : un projet d’arrêté sur le rétablissement du redoublement. Le texte, applicable dès cette année, prend le contre-pied du décret Vallaud-Belkacem de novembre 2014, qui interdisait le redoublement sauf cas exceptionnels, ou si les familles en faisaient la demande.

    Le nouvel arrêté, à l'inverse, redonne aux enseignants le pouvoir. Ces derniers pourront proposer aux parents le maintien de leur enfant dans la même classe, s'ils l'estiment nécessaire. En contrepartie, l'équipe enseignante devra proposer en parallèle un suivi « préventif » de l'élève, et un accompagnement s'il finit par repiquer son année. Mais le contenu de ce suivi reste flou.

    Une mesure populaire

    « On sait pertinemment que nous n'avons pas les moyens humains et financiers pour mettre en place un tel accompagnement, tacle Valérie Sipahimalani, la porte-parole du syndicat majoritaire chez les professeurs du secondaire, le Snes. Le texte veut ménager la chèvre et le chou, mais il est aussi très hypocrite… »

    La mesure était dans les cartons du ministre Jean-Michel Blanquer dès son installation Rue de Grenelle. « Il y a quelque chose d'absurde à laisser passer en classe supérieure des élèves accumulant les retards », affirmait-il en juin dans un entretien au « Parisien » - « Aujourd'hui en France ». Et d'annoncer que « le redoublement doit rester possible quand c'est dans l'intérêt de l'élève ». A l'association de parents Peep (classée à droite), on se réjouit de la nouvelle, « non que le redoublement soit une solution miracle, mais quand il est bien expliqué et bien accompagné, il peut aider des élèves », estime son porte-parole, Samuel Cywie.

    Le ministre de l’Education nationale, qui aime frapper ses décisions politiques au coin du « bon sens », sait que la mesure est populaire, à la fois auprès de nombreux parents, mais aussi chez des enseignants un brin désarmés de s’être vu retirer, il y a trois ans, ce qu’ils considéraient comme un outil de lutte contre l’échec scolaire — et au collège, un efficace moyen de pression face aux chahuteurs.

    Mais chez les spécialistes de l'éducation, on range le retour du redoublement sur la même étagère que les chorales, les dictées ou le goût du ministre récemment exprimé pour l'uniforme à l'école : autant de gages donnés à la frange conservatrice de l'opinion, qui donnent à voir l'image rassurante d'un système scolaire bien en main, mais manquent la cible de la lutte contre l'échec scolaire. « Dans la majorité des études, le redoublement n'a pas d'effet sur les performances scolaires à long terme », souligne un rapport de 2015 du Conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco), qui a passé en revue vingt ans de littérature scientifique et montré que le redoublement, bien qu'en chute en France, y reste bien plus élevé que dans la majorité des pays européens, aux résultats scolaires pourtant supérieurs.

    Il a aussi un coût. Selon les syndicats enseignants, la quasi-suppression du redoublement en 2014 a fait économiser à l’Etat quelque 200 M€ en trois ans.

    « Dommage, soupire une institutrice, que cet argent n’ait pas été utilisé pour créer une aide qui fonctionne vraiment. »

    * Pourcentage d’élèves ayant redoublé au cours de leur scolarité, entre le début du primaire et la fin du secondaire.

    Ce qui va changer pour les familles

    Au ministère de l’Éducation nationale, on se veut rassurant : non, le nombre de redoublants ne va pas exploser, et la mesure restera « exceptionnelle ».

    Néanmoins, l’arrêté va produire des effets. « On nous redonne le droit de réfléchir au redoublement, nous étudierons cette possibilité », confie un instituteur parisien.

    Depuis l’arrêté de 2014, il n’était possible de maintenir un enfant au même niveau que s’il avait manqué de nombreux cours, par exemple pour des raisons de santé, ou si les parents en faisaient la demande à des moments clés, comme l’orientation en fin de 3e ou de 2de .

    Il était proscrit en maternelle. Désormais, l’école ou le conseil de classe pourra proposer le redoublement quelle que soit la classe de l’enfant. Toutefois, les parents gardent leur mot à dire : ils sont consultés et, si la décision finale ne leur convient pas, ils pourront faire appel pour obtenir le passage de leur enfant dans la classe supérieure.

    Christel Brigaudeau

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