[Témoignages] Bizutage : toujours un délit mais toujours au programme

Le bizutage a beau être un délit depuis plus de dix ans, il subsiste encore. Les habitudes ont la vie dure. La preuve : ces témoignages édifiants que nous avons recueillis.

[Témoignages] Bizutage : toujours un délit mais toujours au programme

    Pour accueillir les « petits nouveaux », il y a aujourd’hui le « week-end d’intégration » ou la « soirée de cohésion ». Mais derrière ces rassurants vocables, beaucoup d’étudiants se demandent, en cette rentrée, s’il s'agit d'une intégration ou désintégration...

    Treize ans après l’entrée en vigueur d’une loi qui fait du bizutage un délit passible de six mois d’emprisonnement et de 7500 € d’amende (sous l’impulsion de Ségolène Royal, alors ministre déléguée à l’Enseignement scolaire) les brimades et épreuves humiliantes n’ont pas totalement disparu. Dans certaines écoles de commerce ou d’ingénieurs, dans les facs de médecine ou de pharmacie, voire classes prépas, certaines habitudes ont la vie dure. Une situation « inacceptable » que dénonce chaque année à la rentrée le Comité national contre le bizutage (CNCB).

    Des étudiants choqués ou amusés

    Ces étudiants ont été bizutés au cours des trois dernières années. Mais ils n’ont pas vécu cette épreuve de la même manière. Certains ont été « choqués »; d’autres, au contraire, ont trouvé « ça plutôt drôle ».

    Louise, 20 ans, en 3e année d’ostéopathie.

    « Le bureau des élèves avait loué une maison dans l’Aisne. Le bizutage a commencé dans le car : on devait se mettre en sous-vêtements et chanter une chanson paillarde. Moi c’était Bali Balo dans son berceau… Arrivés sur place, on nous a bandé les yeux puis attachés deux par deux, toujours en sous-vêtements. On devait courir tout en étant ligotés. Ceux qui arrivaient derniers devaient boire un verre d’alcool d’une seule traite. Lors de la soirée déguisée, les deuxième et troisième années ont désigné un roi et une reine parmi les petits nouveaux. Devant tout le monde, le couple a dû faire un lap dance sensuel collé serré comme les stripteaseurs. En fin de soirée, alors que la beuverie battait son plein, il fallait mimer le plus de positions du Kama-sutra en cinq minutes. C’était marrant, il y a des personnes qui n’y sont pas parvenues tellement elles étaient ivres. Durant la nuit, ma chef d’équipe m’a mis du dentifrice dans mon pyjama. Je me suis vengée. Le matin, j’ai épilé la moitié de ses sourcils. L’année d’après, j’ai bizuté. Je trouve ça sympa. »

    Michael, 21 ans, en 3e année de médecine.

    « Les aînés m’avaient prévenu : Tu vas mourir, tu vas tellement être saoul que tu ne sauras même plus où tu es. Ce n’est pas une partie de plaisir de se prendre des d’œufs sur le visage, mais c’est un passage obligé pour s’intégrer au groupe. Il y a tout de même des choses qui m’ont sidéré. Un concours de vomi artistique a eu lieu avec les bizuteurs dans les couloirs. Ça consiste à boire des cocktails de différentes couleurs et puis de se faire vomir pour que ça fasse un arc-en-ciel sur le sol. Après, les bizuts ramassaient le tout avec un rideau et ils balançaient ça sur les autres. »

    Floriane, 21 ans, en prépa Sciences-po.

    « Notre week-end d’intégration s’est déroulé en Belgique. On avait tous un numéro de bizut. Le moins chanceux, c’était le 51, car pendant deux jours, il a dû boire toutes les demiheures un verre de pastis 51 cul sec. Quand j’ai vu arriver les meneurs avec tout un attirail d’objets, des menottes, des préservatifs, du lubrifiant, je suis devenue toute blanche. J’ai été choisie pour la première épreuve : un garçon était obligé de mettre une banane devant sa braguette et je devais enfiler un préservatif dessus avec ma bouche. Ce qui m’a le plus choqué, c’est la deuxième épreuve à laquelle j’ai échappé : deux filles en sous-vêtements ont été menottées et devaient, avec leur bouche, trouver la clé des menottes dans une gamelle remplie de pâtée pour chien. Dans les douches, j’ai vu des filles en larmes parce que les membres du BDE les avaient prises en photo nues. On a eu quatre comas éthyliques en un week-end… »

    Gabriel, 23 ans, en 4e année de médecine.

    « En première année, lors du premier cours de l’année, les carrés (NDLR : ceux qui redoublent leur première année) et les deuxième année débarquent dans l’amphi et lancent des œufs, des bouteilles d’eau et de la farine aux primants, ceux qui viennent d’arriver. Ils grimpent sur les tables. Ils chantent Joyeux redoublement, bizut sur le ton de Joyeux anniversaire. Le but de la manœuvre, c’est de perturber les nouveaux et d’instaurer déjà une sélection en leur mettant la pression, en les intimidant. C’est la guerre, car au final le nombre de places est limité. Il y a un an, en raison des dérapages du passé, les forces de l’ordre se sont mises devant la fac. A l’intérieur, des vigiles ont vérifié les sacs. Cela n’a pas empêché l’intrusion de projectiles alimentaires. C’est sûr que prendre un œuf sur son cours d’autonomie, ça peut énerver! Mais c’est la tradition… »

    Propos recueillis par Margot Haddad avec V. Md.

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    Article issu du Parisien / Aujourd'hui en France du 13 septembre 2011

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