Un Bac pro : pas assez pour trouver du travail ?

Le Bac pro, une formation pas toujours suffisante aux yeux des élèves qui comptent, comme Donovan, poursuivre leurs études pour valoriser leur CV.

Paris (XVe), vendredi. Donovan, élève de terminale professionnelle gestion administration, espère pouvoir s’inscrire en BTS l’an prochain. DR / LP_ Jean-Baptiste Quentin
Paris (XVe), vendredi. Donovan, élève de terminale professionnelle gestion administration, espère pouvoir s’inscrire en BTS l’an prochain. DR / LP_ Jean-Baptiste Quentin

    Il n'est pas tout à fait 17 heures, ce vendredi. Donovan, sac sur une épaule, vient de franchir la porte du lycée Beaugrenelle, dans le XVe arrondissement de Paris : les vacances commencent et viennent de lui rendre son sourire. Il faut dire que l'école, « avec tous ces cours qu'on est obligés de suivre sans raison », Donovan, 17 ans, n'aime pas trop. Pourtant, cet élève de terminale professionnelle gestion administration (GA) a prévu d'en reprendre une louche l'an prochain, en s'inscrivant si possible en BTS pour viser un bac + 2. « Je suis bien obligé, explique-t-il. Un bac GA tout seul, ce n'est pas assez poussé pour trouver du travail. Il y a plein de choses que je ne sais pas faire, qui ne sont pas au programme. Et en stage, je n'apprends presque rien. »

    Revaloriser le Bac pro et le CAP

    Quelle valeur a l’examen qu’il passera en juin avec tous les autres bacheliers ?

    Donovan n’est pas le seul à se poser la question. Selon nos informations, deux groupes de travail devraient être lancés « avant la fin octobre » sur le sujet au ministère de l’Éducation nationale, en parallèle à une réflexion plus générale annoncée sur le baccalauréat. Les experts plancheront sur le moyen de revaloriser le bac pro et le CAP, qui au total concernent 40 % des élèves du secondaire en France.

    A examiner les pistes envisagées Rue de Grenelle pour redorer le blason de la filière pro, et présentées ces dernières semaines à plusieurs syndicats d'enseignants, la tendance serait à un rapprochement des bacs professionnels avec ceux, mieux cotés, des voies technologiques et générales. Le cursus pourrait ainsi être réaménagé pour que le diplôme intermédiaire du BEP, que les élèves passent tous en 1re, se transforme en épreuves anticipées du bac pro. Façon de limiter le nombre d'épreuves et de contrôles continus auxquels sont actuellement soumis les élèves.

    Une spécialisation plus tardive...

    Par ailleurs, au lieu de se concentrer dès la seconde sur les matières professionnelles, les jeunes suivraient au sortir du collège un emploi du temps plus généraliste qu’aujourd’hui

    , avec davantage d’heures de cours dans les matières fondamentales et un aperçu des différents métiers de leur branche. La spécialisation dans un domaine précis n’arriverait qu’en 1re, de la même manière que les jeunes de la voie générale attendent la 1re pour choisir entre un bac scientifique, littéraire ou économique.

    A la sortie du lycée Beaugrenelle, qui forme près de 300 élèves aux métiers de la vente, de la gestion et de l’accueil, on accueille cette idée avec… une certaine froideur.

    « Moi qui travaille cinq jours sur sept comme livreur après le lycée, je n’ai pas le temps d’avoir des devoirs, désolé »

    , prévient Julien*, 16 ans.

    « En même temps, peut-être qu’avec plus de cours généraux tout le monde arrêtera de croire qu’en lycée pro, c’est facile… »

    glisse Aliou, sans trop y croire.

    « A quoi cela me sert-il de connaître des temps de conjugaison que je n’utiliserai jamais  ? Si j’avais envie de faire de la littérature, j’aurais fait un bac L, en fait »

    , réagit, implacable, Donovan.

    Reste que le jeune homme, comme beaucoup de ses camarades, n’a pas vraiment choisi. C’est son collège, après un parcours scolaire chaotique, qui a décidé pour lui son inscription en gestion administration.

    Même chose pour Aliou : « A la base, je voulais aller en voie générale, mais il y avait litige… » Lui ne désespère pas de rebondir dans les études supérieures : « Pourquoi pas jusqu’à un master, comme mon frère, lance-t-il. Mais pour cela, il faudrait qu’on nous explique mieux au lycée ce qu’on peut faire après le bac. »

    * Le prénom a été changé.

    Formations professionnelles : une réforme épineuse

    Souvent évoquée par les ministres de l’Éducation successifs, mais laissée en plan, la réforme de la voie professionnelle, créée dans les années 1980, est aussi attendue qu’épineuse.

    Le dernier changement en date de ces cursus, qui en 2010 ont fait passer la durée d’études en lycée professionnel de quatre à trois ans, reste vécu comme un traumatisme dans les établissements. « Sept ans après, on en parle encore  ! confie Sigrid Gérardin, la secrétaire générale du Snuep-FSU , le syndicat majoritaire dans les lycées professionnels. Les effets de cette réforme n’ont pas été anticipés, et on en paye aujourd’hui les conséquences avec les élèves. »

    Le raccourcissement des études en lycée pro, doublé de la fin du redoublement pour de nombreux élèves ces dix dernières années, a conduit à un rajeunissement des bacheliers professionnels : « La plupart avaient 21 ans, avant la réforme, au moment de l'examen. Aujourd'hui ils en ont 17 ou 18. Cela pose des problèmes en stage, car les employeurs jugent les élèves pas assez mûrs, et pour l'orientation en fin de lycée, explique l'enseignante. A 17 ans, les jeunes ne se sentent pour la plupart pas prêts à se lancer dans la vie active. » Résultat : alors que l'Education nationale tablait sur une proportion de 20  % d'élèves poursuivant des études après un bac pro, ils sont 65  % aujourd'hui à désirer étoffer leur CV après le lycée. Un phénomène qui n'est pas étranger, même s'il ne suffit pas à l'expliquer, à l'engorgement des études supérieures, actuellement à l'étude dans une autre réforme, celle de l'admission postbac (APB).

    Bac Pro : il en existe... 100 !

    Quelque 535 000 jeunes sont actuellement en bac pro. La réforme globale de cette voie va concerner 100 bacs professionnels et pas moins de 200 CAP différents. La plupart des élèves préparent ces diplômes dans un lycée. Un quart le font en apprentissage (alternance école-entreprise avec un statut d'employé et un contrat de travail).

    Si quelques cursus très prisés comme les métiers d'art ou de bouche et la mécanique attirent des élèves de profils variés, parfois très diplômés, d'autres regroupent des jeunes en grande difficulté, et offrent très peu de débouchés. C'est notamment le cas dans les bacs pro tertiaires (comme gestion administration), qui concernent la grande majorité (84 %) des bacheliers pro. En secrétariat bureautique, par exemple, 31 % des jeunes pointent au chômage trois ans après leur diplôme.

    La voie professionnelle souffre aussi d'un problème d'orientation de ses élèves après le collège

    : un quart se retrouvent dans un secteur totalement différent de celui qu'ils avaient demandé, par exemple accueil au lieu de coiffure.

    Christel Brigaudeau

    Consultez aussi :

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